LA PRISE EN CHARGE d’un couple dans le parcours d’AMP est une situation assez particulière en médecine, qui peut être source de difficultés psychologiques pour l’homme et la femme concernés, en dehors des difficultés médicales rencontrées. De par leur nature, les consultations d’AMP introduisent un tiers médical dans le couple et s’immiscent dans leur relation. Si l’interrogatoire est un temps primordial du premier bilan de fertilité pour orienter les démarches étiologiques, il nécessite que le couple se raconte et dévoile à une personne extérieure des faits qui appartiennent à son intimité. Si parler de sa sexualité n’est pas facile pour tout le monde et peut aller à l’encontre d’une certaine pudeur, cela peut également révéler des tensions ou des désaccords qui appartenaient au champ du non-dit.
Par ailleurs, le parcours d’AMP a souvent un retentissement direct sur la sexualité du couple. Il laisse peu de place à la spontanéité et impose des rapports programmés, entourés d’examens et d’une surveillance médicale. Cette situation peut être source, chez l’homme, de pannes, dont les femmes peuvent parfois s’agacer ou qu’elles considèrent comme une perte de temps et de chances, et dont les hommes se sentent malheureux.
Un sentiment de culpabilité ou d’infériorité.
Le bilan nécessite de parler de ce qui ne fonctionne pas, d’expliquer les différentes causes de baisse de la fertilité, et de prononcer des mots qui peuvent parfois blesser : âge ovarien, glaire cervicale inadéquate, malformation utérine… S’il s’agit d’une terminologie médicale courante, la formulation de l’annonce est primordiale pour minimiser chez la femme et son compagnon un sentiment d’anormalité, ou des regrets portant sur les choix de vie antérieurs. Quand aucune étiologie n’est diagnostiquée et que seul l’âge de la femme est pointé du doigt, introduisant une notion de semi-urgence, la part de responsabilité dans l’échec des tentatives de grossesse peut être lourd à porter par une femme qui a dû repousser un projet d’enfant pour des raisons professionnelles, ou qui a éventuellement subi par le passé une interruption de grossesse. Chez l’homme, la description d’anomalies spermatiques peut encore renvoyer une image négative de sa virilité et être vécue comme une forme d’impuissance.
La particularité du parcours d’AMP est aussi d’impliquer deux personnes quand le problème médical n’en concerne qu’une. Cela peut être particulièrement ressenti lorsque la cause d’infertilité est uniquement masculine. L’homme peut se sentir coupable d’imposer à sa compagne les contraintes parfois lourdes du traitement alors qu’elle n’est pas responsable de la situation. L’homme peut, de plus, avoir du mal à trouver sa place dans un milieu gynécologique traditionnellement réservé à la femme, et de ce fait se tenir un peu en retrait dans la demande de départ et tout au long du parcours. À l’inverse, lorsque le couple est suivi dans le cadre d’une pathologie grave de l’homme, comme la mucoviscidose, la femme peut ne pas avoir beaucoup d’espace pour exprimer ses propres craintes vis-à-vis des techniques d’AMP, qui peuvent lui paraître dérisoires en regard de la pathologie de son conjoint.
Il existe souvent une divergence dans le couple dans l’appréhension du temps et de l’urgence ressentie, ainsi que dans l’implication physique et sociale, la femme étant souvent plus impliquée. La position des couples vis-à-vis de l’information de leur entourage est représentative de la façon dont l’infertilité est vécue par chaque membre du couple. Ainsi, une enquête qui questionnait les couples sur les personnes de leur entourage mises au courant du problème, de son origine et des démarches d’AMP, a montré que, si plus de 80 % des membres des couples avaient des interlocuteurs, les hommes partageaient moins que leur compagne. Quand la cause de l’infertilité était masculine, elle était souvent cachée par les hommes, mais aussi par leur compagne.
Implication éthique de l’intervention médicale.
Certaines situations d’AMP s’accompagnent de difficultés particulières. Il s’agit par exemple des désirs de paternité tardive. Même si l’âge est un facteur moins limitant chez l’homme que chez la femme, il existe cependant une altération des facteurs spermatiques avec le temps. Dans les situations d’un homme d’âge mûr avec une femme beaucoup plus jeune, la réalisation du désir d’enfant peut être, de façon encore plus marquée que chez les couples plus jeunes, une nécessité à la concrétisation et à la reconnaissance sociale du couple. L’enjeu est souvent pour eux particulièrement important. Mais cette exigence peut se heurter à des considérations éthiques. Le désir du couple peut-il passer avant l’intérêt de l’enfant à naître ? L’implication d’un tiers médical dans la procréation introduit une notion de limite éthique, qui pourtant n’existe pas en cas de grossesse naturelle. La démarche d’AMP oblige les couples à se priver de l’ambivalence vis-à-vis du projet d’enfant. La loi impose de limiter l’AMP à des couples en âge de procréer. La plupart des centres s’accordent pour fixer cette limite autour de 60 ans pour le père, ou aux cas où l’on estime que le père pourra assumer l’éducation de l’enfant jusqu’à sa majorité.
En réalité, le choix de l’âge paternel n’est pas une décision médicale pure, mais un choix de société. L’AMP offre au médecin un rôle d’acteur dans la procréation, qui se doit de ne pas être trop intrusif, ni trop négligent, tout en rentrant dans le cadre de la loi. Il s’agit avant tout d’une décision de couple, mais aussi, dans certains cas, d’une prise de décision sociétale. C’est au législateur et non au médecin de statuer sur des questions aussi complexes que l’accès à l’AMP pour des couples homosexuels ou dans des situations post-mortem. Dans le projet de loi qui devrait être à l’ordre du jour du prochain conseil des ministres, la réponse est non dans les deux cas.
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