Avec les cellules souches mésenchymateuses et les cellules pluripotentes induites (IPS), les cellules souches embryonnaires (CSe) constituent la 3e grande source de cellules employées pour la recherche et, bientôt peut-être, dans la médecine régénérative.
Si on se sert des cellules souches mésenchymateuses depuis les années 1980 pour reconstituer les différentes couches de l'épiderme à greffer chez les grands brûlés, les utilisations cliniques des cellules souches embryonnaires restent à l'état de projet. Elles font par ailleurs l'objet de batailles éthiques très disputées et seront au cœur des débats menés par le comité consultatif national d'éthique (CCNE) jusqu'en juin 2018, en vue de propositions refondant la loi de bioéthique prévue pour la fin de l'année.
« Tous les pays n'ont pas la même approche du problème, explique le Pr Hervé Chneiweiss, président du comité d'éthique de l'INSERM et membre du CCNE, à l'occasion d'une séance organisée par l'Académie nationale de pharmacie. En France, on se demande à quel moment un embryon devient un humain, alors que les Anglais ont une vision de l'éthique fondée sur l'absence de douleurs. Un embryon peut donc être utilisé tant qu'il ne possède pas de système nerveux, soit moins de 14 jours après la fécondation. »
En pratique, les cellules souches embryonnaires sont prélevées sur les embryons d'une procréation médicalement assistée non utilisés pour un projet parental. Le prélèvement a lieu entre le 5e et le 7e jour suivant une fécondation in vitro. Au stade blastocyste, l’embryon contient une trentaine de cellules pluripotentes en mesure de générer l'ensemble des types cellulaires.
Les scientifiques travaillent le plus souvent à partir de lignées détenues et commercialisées par des laboratoires, évitant ainsi de secourir à des embryons. Cela n'est pas toujours possible : il est parfois nécessaire de créer une nouvelle lignée en détruisant des embryons. Mises au point en 2007 par Shinya Yamanaka (prix Nobel de médecine en 2012), les cellules IPS générées à partir de cellules somatiques, pourraient permettre d'esquiver les critiques éthiques. Elles posent cependant d'autres défis d'ordre scientifique (voir article ci-contre).
48 protocoles autorisés
Depuis 2013, les projets de recherche sont soumis à une autorisation de la part de l'Agence de la biomédecine. Il existe actuellement 48 protocoles de recherche disposant d'une autorisation valide. Ces autorisations sont régulièrement attaquées, parfois avec succès, avec pour cible privilégiée les conditions d'obtention du consentement des parents de l'embryon. Un possible remaniement du système d'autorisation des recherches sur les cellules-souches sera un des enjeux de la refondation de la loi de bioéthique de 2018.
Dans leur avis de juin 2014, le comité d'éthique de l'INSERM regrettait un « contexte réglementaire et éthique fait d'incertitudes, de malentendus voire de confusions ». Des chercheurs auditionnés par le comité ont aussi fait part de la « lourdeur » et de la « complexité » des procédures. Il est par exemple nécessaire de fournir un dossier complet pour une demande de renouvellement d'autorisation, même en l'absence de modification du projet depuis son autorisation.
Le questionnement éthique s'est encore complexifié avec les possibilités élargies de modification de l'ADN apportée par la technique Crispr-Cas9. Certains craignent en effet un risque de dérive eugéniste dans la possibilité de faire naître des embryons génétiquement modifiés, issus de familles porteuses de maladies génétiques.
Un cadre réglementaire diversement apprécié
En ce qui concerne les essais cliniques et la recherche appliquée, la marge de manœuvre des chercheurs est limitée par la réglementation des médicaments de thérapie innovante préparée ponctuellement (MTI-PP). La mise en œuvre de ces essais requiert l’obtention préalable de l’autorisation de l’ANSM et de l’avis favorable d’un comité de protection des personnes. « Ils sont soumis à un régime d’autorisation expresse, ajoute l'agence, L’absence de réponse écrite de l’ANSM, à l’issue du délai d’évaluation qui lui est imparti, (90 jours pouvant être prolongés de 90 jours pour la demande initiale) vaut refus de l’essai clinique. »
La gestion des autorisations des essais cliniques a ses partisans et ses détracteurs. Certains comme le Pr Alain José Sahel, directeur de l'institut de la vision, rappellent « que la législation s’est pas mal assouplie, mais l’ANSM a perdu ses présidents et ses experts. On paye un peu le prix des problèmes rencontrés par l'agence sur des dossiers comme le Mediator ».
Le Pr Menasché, qui dirige le service de chirurgie cardio-vasculaire de l'hôpital européen Georges Pompidou (AP-HP) est plus critique : « Il y a un cahier des charges européen pour les thérapies innovantes mais l’ANSM rajoute une couche et répond aux problèmes par une frilosité et un repli, dénonce-t-il. Quand Novartis a voulu établir un site en Europe pour produire ces cellules CAR-T (première thérapie génique autorisée en clinique aux États Unis depuis août dernier N.D.L.R) ils ont renoncé à l'installer en France. On ne peut pas laisser une entreprise de biotechnologie pendant 9 mois sans réponse ! » Évaluer la sécurité d'une thérapie cellulaire demeure un vrai défi. La crainte d'un effet carcinogène reste forte avec des cellules dont la principale caractéristique est de se multiplier à l'infini.
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