Regards d’assureurs sur la dépendance

L’assurance universelle obligatoire en question

Publié le 27/04/2011
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Crédit photo : S TOUBON

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1,2 MILLIONS DE PERSONNES actuellement dépendantes, 1,8 million d’ici 15 ans, voire 3 millions estimés en 2060, la dépendance ouvre un chantier inédit pour les assureurs, qui s’en saisissent dès aujourd’hui. « Nous avons une responsabilité d’anticipation, et nous pouvons agir, la perte d’autonomie est un risque calculable, aléatoire et tout à fait assurable : avec 5,5 millions de Français déjà couverts, nous avons une véritable expertise dans ce domaine », avance Bernard Spitz, président de la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA). Assurer, oui, mais par quel type de contrat ? En intitulant le colloque du Conseil d’orientation et de réflexion de l’assurance (CORA) « Regards croisés franco-allemands sur la dépendance », se dessine en creux une première réponse, qui serait l’assurance universelle. Dont le caractère obligatoire, acquis en Allemagne depuis le 1er janvier 1995, fait débat en France. « La question reste ouverte », assure Bernard Spitz.

Jean-Martin Cohen Solal, directeur général de la Fédération nationale de la Mutualité française, estime que la voie obligatoire est « difficile à mettre en œuvre ». Il propose en guise d’alternative l’association du risque de la dépendance aux contrats complémentaires santé, souscrits « le plus tôt possible pour que ce soit moins cher ». Jürgen Gerke, juriste allemand et directeur financier d’Allianz France, ne croit pas non plus à l’efficacité de la contrainte. Proposant un système pyramidal, avec une couverture universelle abordable par tous, puis une seconde privée, volontaire, fondée sur les prestations, et enfin un étage supplémentaire par capitalisation, il envisage davantage un recours aux incitations fiscales ou à la solidarité intergénérationnelle.

Au contraire, pour Henri de Castries, président directeur général de AXA, « l’obligation ne doit pas être vécue comme une punition, c’est un moyen d’assurer la solidarité, de protéger les faibles, de faire que ceux qui auraient les moyens d’échapper au système y soient soumis quand même ».

À quel âge cotiser ?

Autre pomme de discorde, l’âge de souscription divise les interlocuteurs. Selon Danièle Karniewicz, secrétaire générale de la CFE-CGC, les salariés doivent commencer à cotiser dès le début de leur carrière. « C’est un risque qui touche tout le monde, il faut une vision intergénérationnelle pour garantir le choix individuel, et donc une solution mutualisée avec un socle solidaire élevé ». Une vision que ne partage pas la députée UMP Valérie Rosso-Debord : « Si les jeunes supportent, après le coût des retraites, celui de la dépendance, ce sera dur, c’est la promesse d’une cassure entre les générations », a-t-elle rétorqué, préférant fixer le seuil de souscription à 50 ans.

« Je ne me prononce pas à ce stade en faveur ou non du développement d’une assurance en complément d’un socle solidaire, ainsi que sur son caractère obligatoire ou facultatif », a déclaré la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale, en clôture du colloque. Roselyne Bachelot a en effet énuméré les principales questions que soulève la réponse assurantielle : comment assurer la lisibilité des contrats et la transmission des droits en cas de changements d’assureurs, comment garantir leur accès à tous, quels que soient l’âge et le niveau social, quelle nature de prise en charge proposer, quelle définition de la dépendance adopter… Et d’évoquer la mise en place d’un label pour « définir des règles communes de déclenchement de la garantie des contrats ».

Autant de précautions qui reflètent l’opinion des Français. Selon un sondage CSA réalisé pour la FFSA, seulement 42 % de personnes âgées de 45 à 75 ans se déclarent favorables à une assurance dépendance obligatoire sur le modèle des assurances automobile ou habitation, à partir de 51 ans.

 COLINE GARRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 8950