La Bretagne serait-elle en train de montrer l’exemple en matière de coopération hospitalière publique ? Cette région, qui a résorbé le déficit de ses établissements publics, encourage clairement les coopérations interhospitalières dans son projet régional de santé. Pour faire sauter les verrous des derniers territoires de santé irréductibles, Alain Gautron directeur général de l’ARS Bretagne a réuni tous les acteurs à Rennes il y a quelques mois, afin de mesurer les succès enregistrés dans ces montages pleins d’attraits pour les médecins. Et de faire école.
Une ouverture vers de nouveaux horizons d’exercice.
En s’appuyant sur la coopération établie entre le CHU de Brest et le CH de Carhaix, Pierre Bertrand, directeur général adjoint, explique que les équipes médicales de Landernau et de Morlaix sont désormais parties prenantes dans la filière cancérologique parfois en association avec des acteurs privés. « Ces accords dépassent la seule vision des établissements pour entrer dans une logique collective où les coopérations permettent de faire diminuer considérablement l’intérim. On parvient à recruter des médecins supplémentaires grâce à cet exercice multisite. » Sur le terrain, les résultats sont étonnants : aux urgences du CH de Paimpol, on compte déjà 22 postes partagés, alors que le bloc chirurgical y est fermé depuis un peu plus d’un an. Le président de sa communauté médicale d’établissement, Francis Boussemart estime que cette réflexion sur la répartition des activités permet de maintenir un plateau technique performant et une organisation de consultations de spécialistes de proximité. « L’enjeu est double. Cela permet de maintenir et de conserver des personnels sur le territoire et en même temps de proposer aux patients une offre de soins la plus complète possible. Ces réflexions intègrent aussi des contraintes du monde libéral puisque les centres hospitaliers de proximité doivent aussi pallier le départ en retraite de confrères libéraux. Il faut s’entraider les uns les autres et il me paraît important que les équipes se connaissent et prennent l’habitude de travailler ensemble. » Le Pr Bertrand Fenoll, président de la CME au CHU de Brest, précise que ces collaborations supposent aussi une intégration dans une équipe relativement importante pour développer et maintenir les compétences. « Les jeunes viennent en renfort dans les petites structures qui n’ont pas l’habitude de prendre en charge les cas graves, peu fréquents. Il faut pourtant trouver le moyen d’entretenir la formation de ceux qui exercent et la mobilité insufflée par les contrats interétablissements paraît une piste intéressante pour mettre à jour ses connaissances. »
Dans cet esprit, le Dr Pascale Lepors du CH de Saint-Malo, milite pour une mutualisation des petites équipes et des sites. « Pour rendre les petits centres plus attractifs, il faut conserver un certain niveau d’activité en chirurgie et permettre aux médecins de continuer à se former pour assurer la qualité de prise en charge des patients. »
Recette bretonne pour la construction d’une équipe médicale de territoire.
Les coopérations sont une histoire d’hommes où il faut avant tout donner envie en fixant des premiers objectifs, facilement atteignables, sur des sujets peu stratégiques et peu controversés, tel que la qualité ou la douleur. Cela compenserait les disciplines au sein desquelles la communication paraît plus difficile. Pour attirer les médecins dans une logique de complémentarité, les responsables bretons s’appuient sur toutes les bonnes volontés.
Permettant aux équipes d’apprendre à se connaître, le travail multisite est facilité par la création de fiches de postes qui entérinent cette mobilité et développent les consultations avancées des praticiens sur d’autres sites que leur site d’origine. Ainsi, les médecins d’expérience sont attirés dans les petits centres hospitaliers, les jeunes médecins sont formés dans les centres hospitaliers de proximité.
L’ancrage des praticiens paraît un élément important et le rattachement à un établissement une condition nécessaire pour permettre l’adhésion des équipes médicales à un projet. La réflexion menée par l’ARS Bretagne montre l’importance du sentiment d’appartenance en laissant le temps aux équipes d’apprendre à se connaître pour se faire confiance tout en privilégiant la possibilité d’avancer ensemble à petits pas. Bien que les établissements soient souvent proches les uns des autres, les médecins ne se connaissent pas forcément ou n’avaient pas l’occasion de réfléchir ensemble à l’organisation de la discipline à l’échelle du bassin.
Le centre hospitalier de Châteaubriant a pu recruter de jeunes médecins grâce à la mise en place d’un service de périphérie. Aujourd’hui, sur 9 praticiens hospitaliers en exercice, 7 réalisent 30 % de leur activité au CHU de Nantes. En contrepartie, les médecins urgentistes du CHU viennent sur les lignes d’activité de Châteaubriant.
Au quotidien, ce décloisonnement rend l’exercice beaucoup plus intéressant. L’activité dans ces services est variée et les gestes techniques continuent d’être effectués par les urgentistes. La structure d’urgence de périphérie devient même un terrain de stage formateur pour les jeunes médecins, à travers la Fédération médicale interhospitalière des structures d’urgence mise en place en Loire-Atlantique.
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