Présentée par Marisol Touraine comme un « progrès démocratique majeur », cette réforme prévoit l’extension de l’action de groupe aux dommages causés par les produits de santé. En clair, des procédures collectives pourront être intentées contre les industriels (producteur, fournisseur, prestataire...) en vue d’obtenir des réparations individuelles (concernant un grand nombre de patients victimes de dommages). Une éventualité saluée par les associations mais qui pourrait contribuer à la judiciarisation accrue du secteur.
Lors d’un débat à l’initiative de l’association des cadres de l’industrie pharmaceutique (ACIP), les professionnels du médicament ont passé en revue les implications de cette réforme inspirée du droit anglo-saxon. Leur point de vue est résumé d’une simple phrase par Blandine Fauran, directrice juridique du LEEM (Les Entreprises du médicament) : « Les entreprises peuvent difficilement être favorables à des actions de groupe dont on connaît les dérives ». Les industriels constatent, ajoute-t-elle, que ces procédures collectives ont toujours entraîné des problèmes collatéraux dans les pays où elles ont été autorisées : multiplication des contentieux, forte judiciarisation, dommages en termes d’image…
Le lien de causalité, difficulté permanente
Michèle Anahory, avocate associée au cabinet DLA Piper, décortique les effets du projet de loi. Elle juge d’abord que celui-ci risque de ne pas atteindre son objectif affiché, à savoir la simplification et l’accélération des procédures d’indemnisation des victimes. En effet, explique cette spécialiste du droit de la santé, des problèmes surgiront à toutes les étapes de la procédure de class action : détermination de la juridiction compétente, qualification du manquement éventuel dont l’industriel est soupçonné, mécanismes de publicité, rattachement des victimes à la procédure d’indemnisation. Autant d’occasions de compliquer et d’allonger le traitement des affaires.
Mais il y a pire. « Le gros problème sera l’établissement du lien de causalité », prévient Michèle Anahory. Car même dans le cadre d’une procédure collective en réparation des préjudices (pour des usagers placés dans une situation identique ou similaire), il faudra bien, une fois la responsabilité de l’industriel établie, identifier clairement les dommages corporels individuels. Et le Dr Michel Hannoun, président de l’ACIP, de soupirer :
« On avait bien le sentiment qu’une usine à gaz… ».
La voix des patients
Vincent Perrot, chargé de mission santé dans une association nationale d’usagers, la CLCV (consommation, logement et cadre de vie), est très partisan des actions de groupe en santé. Pour lui, il ne fait aucun doute que si ces procédures collectives avaient été possibles dans les affaires du Mediator et du Distilbène, cela aurait grandement simplifié et accéléré le traitement des dossiers, assure-t-il au « Quotidien ». Ce militant plaide pour l’extension de l’action de groupe à d’autres secteurs : risques liés à l’alimentation, dommages environnementaux et même infections nosocomiales.
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