L’Intelligence artificielle, on en parle beaucoup. Mais le concept est assez mal connu finalement, y compris, dans le domaine du soin, et même par ceux qui s’intéressent à la santé connectée. Le champ est vaste. La « simple » IA dite « faible » va servir à faire des calculs, des algorithmes, de plus en plus sophistiqués à mesure que les machines gagnent en puissance. On voit assez clairement ce qui va se passer avec elle au cours des 50 prochaines années. En regard, il y a la fameuse Intelligence artificielle dite « forte », qui met en avant la machine raisonnée comme un humain. Je ne partage ni le fantasme, ni la crainte, d’une machine à même de fonctionner et d’être intelligente comme un homme. Amasser des connaissances, en tirer des conclusions ? Oui. Pouvoir comprendre et avoir un libre arbitre ? Non. Qu’on se rassure : la machine ne pourra jamais choisir en fonction de paramètres qui dépendent d’elle, du moment, du bien ou du mal. Cela la distinguera toujours de l’homme. En 2071, la machine ne prendra pas le dessus sur l’humain. Pas plus que la voiture ne l’a fait sur les conducteurs, alors qu’à ses débuts, ses détracteurs prétendaient que la vitesse rendrait fous !
J’ai une vision extrêmement optimiste de l’IA. Il faut bien comprendre que cette technologie, avec ses data, ne va pas créer quelque chose de nouveau, mais faire ce qu’on lui a appris. On voit clairement les débouchés possibles, dans le domaine de la santé, qui sont d’ailleurs les extensions de ce qui existe aujourd’hui. 2050, 2060… 2071. On sera dans une médecine extrêmement prédictive, capable, à partir d’une multitude de données, de prédire les maladies, et surtout de savoir les prévenir. La génétique bénéficie de ce champ. Mais nous ne sommes qu’au tout début du processus. Il faudra plusieurs dizaines d’années pour y arriver.
L’IA sonnera aussi la révolution du diagnostic, déjà effective dans le mélanome ou la rétinopathie diabétique, grâce à un apprentissage par la machine qui enregistre des dizaines de milliers de photos. Ce n’est pas le cas encore dans toutes les pathologies et pour tout le monde. Mais sans nul doute, en 2071 ce sera la règle. Personne ne sait combien de temps, ça mettra. Le décodage du génome a été beaucoup plus rapide que ce qu’on n’imaginait… Pour le diagnostic, l’échelle de temps est sans doute d’une cinquantaine d’années.
Une médecine différente
Troisième champ du possible : la médecine personnalisée. Tout le monde en parle. Pourtant, aujourd’hui, cela reste encore extrêmement grossier. L’analyse du big data sur la réponse aux thérapeutiques dans les différents cas permet déjà de proposer un traitement ultra-personnalisé. Et même si l’on n’est pas du tout prêt à le généraliser à l’ensemble de la médecine, à l’évidence, on va vers une médecine différente. On a connu des évolutions comme cela dans un passé récent. Beaucoup regrettent ainsi que la médecine soit de moins en moins clinique aujourd’hui. On entend dire que les médecins savaient mieux palper un foie il y a 50 ans, qu’ils examinaient mieux un malade… Et c’est vrai ! 100 % clinique il y a 50 ans, la médecine est devenue 50 % technologique avec des examens complémentaires, des machines… Pour autant, est-ce qu’on prend moins bien en charge les patients aujourd’hui ? La réponse est non.
Le troisième volet fondamental touche à la chirurgie. On ne voit pas d’obstacle à ce que dans 50 ans, des actes opératoires puissent être fortement assistés voir parfois réalisés par un robot.
Et l’IA bouleversera aussi tout ce qui se rapporte à la santé des populations : la pharmacovigilance en sera plus performante et on entrevoit la possibilité de parvenir demain à prédire une épidémie comme celle de la Covid. Nous en sommes aux prémices. Mais le fait d’utiliser actuellement les égouts pour prédire une vague de Covid, préfigure ce que l’on pourra faire dans 50 ans, quand toutes sortes de données remonteront en temps réel. Dans ce nouveau monde, la machine va-t-elle prendre la place de l’homme ? Et l’IA créer des inégalités sociales ? Certains le prédisent. Pas moi. Il y a 50 ans, le médecin examinait uniquement avec son stéthoscope, son marteau réflexe, ses mains et il faisait bien son travail. Aujourd’hui, il a aussi appris à prescrire les bons examens au bon moment. Dans un demi-siècle, les soignants feront ce dont la machine ne pourra jamais s’occuper : la relation humaine.
Aujourd’hui, je souffre de ne pas pouvoir passer plus de temps à écouter le patient, à mieux le comprendre, à lui exprimer davantage d’empathie quand cela s'impose pourtant, et à m’adapter à son histoire, à son cas particulier. Bref, je souffre de manquer de temps et de disponibilité pour être tout simplement plus humain, davantage tourner vers mon patient.
Mon espoir vient précisément de l'IA, car j'ai une conviction : l'IA et la machine libéreront les praticiens de toutes les contraintes techniques. Et la grande gagnante sera la relation interhumaine entre le soignant et son patient, qui elle, ne sera jamais remplacée.
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