Aide financière aux libéraux : les syndicats ne s'y retrouvent pas et plaident pour une compensation sur la perte d'activité

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Publié le 30/04/2020

Crédit photo : S.Toubon

Dans la foulée des mesures annoncées par le ministre de la Santé, puis par le DG de l'assurance-maladie, pour pallier la perte d'activité des cabinets de ville, les syndicats de médecins libéraux affichent une certaine déception. Ils sont nombreux à juger le mécanisme compensatoire « insuffisant ».

Ce dernier prévoit de prendre en charge pour une première période allant de mi-mars à fin avril les charges fixes des cabinets (loyers, salaires, cotisations, immobilisations, investissements), en déduisant les éventuelles aides reçues de l'État, mais ne prend pas en compte ni ne compense la perte d'honoraires.

« Iniquité »

C'est là que le bât blesse pour le SML, qui juge que « le compte n'y est pas ». Le syndicat dénonce « l'iniquité » subie par rapport aux établissements publics — qui se sont vus proposer une fraction de leurs recettes habituelles face à la perte d'activité — et réclame donc pour tous les médecins libéraux une compensation de l’activité d’un douzième des honoraires habituellement perçus par mois d’activité empêchée. D'autant que cette baisse d'activité est due aux décisions de l'État, estime le SML, et notamment au déclenchement du plan blanc dans les cliniques, au manque d'équipements de protection nécessaires, ou encore au transfert du renouvellement de certains traitements aux pharmacies…

Même du côté des généralistes, pourtant « pas les moins bien lotis », des points d'insatisfaction demeurent, indique MG France. « Nous allons rester très attentifs aux situations des médecins aux faibles revenus, par exemple les remplaçants ou jeunes installés. L'assurance-maladie propose de majorer de cinq points supplémentaires le taux de charge, mais il faudrait aller plus loin », estime le Dr Jacques Battistoni, chef de file du syndicat. Ce dispositif ne leur permettra pas de dégager un revenu, alors qu'ils ont souvent une charge de famille et des crédits à honorer, et risque de les détourner à terme vers le salariat, estime le généraliste normand.

Pour la CSMF, la voie choisie est « une bonne décision ». « Cela rappelle que l’arrêt total ou partiel auxquels sont confrontés les médecins est la conséquence de la réquisition par l’État des médecins et des établissements de soins pour le COVID-19 », souligne la centrale syndicale. Mais cela ne suffit pas pour autant : les indemnités doivent couvrir « l’intégralité des charges, sans exception et sans plafond » pour ne pas pénaliser certaines spécialités aux investissements très lourds, et être élargies à celles donc l'activité est touchée par la pénurie de produits anesthésiques, estime la CSMF.

Déplaquage chez les spécialistes

Du côté de certains représentants de spécialistes en effet, le temps est à l'amertume. « Ce mécanisme est scandaleux et insultant », tonne le Dr Patrick Gasser, président d'Avenir Spé. Il pointe des taux de charges plus bas que la réalité, notamment pour les anesthésistes-réanimateurs, évalué à 30 %. « Cela aura des conséquences : endettement, gel des investissements et des recrutements, et donc au final un impact sur la prise en charge des patients. Si on avait voulu tuer la médecine libérale spécialisée, on ne s'y serait pas pris autrement », tempête-t-il.

Le syndicat demande un versement immédiat d'un douzième du chiffre d’affaires des structures libérales spécialisées, une prise en charge réelle de leurs charges, après négociation avec chaque spécialité, avec une compensation selon la perte d’activité dans le respect de l’ONDAM et enfin une équité du soutien pour les médecins en secteur II, « honteusement maltraités dans ce modèle ».

Chez les spécialistes de la FMF, on est plus que « dubitatifs ». « Par exemple, les taux de charges pour les radiologues sont bien au-dessus de 50 %, estime le Dr Pierre-Jean Ternamian, à la tête de la FMF-US. Sur un acte d'IRM, avec un forfait technique derrière, cela ne sera pas suffisant. Ce n'est pas acceptable, et on va amener les médecins proches de la retraite ou déjà en cumul emploi retraite à déplaquer ! »

Là encore, il vaudrait mieux verser un douzième du chiffre d'affaires, afin d'être compensé sur le même modèle et à égalité avec les établissements publics et privés, estime le Dr Ternamian. « Pour l'instant, notre compensation n'est pas à la hauteur de l'enjeu, or c'est une question de survie pour les médecins libéraux », conclut-il.

Marie Foult

Source : lequotidiendumedecin.fr