Traditionnellement plus proches de la CDU, le parti chrétien-démocrate d’Angela Merkel, que des sociaux-démocrates du SPD, les médecins allemands confirmeront-ils cette règle en soutenant son « dauphin », Armin Laschet, plutôt que son adversaire Olaf Scholz, lors des élections législatives de dimanche prochain ? Dans tous les cas, la chancelière sortante aura réussi, au cours de ses 16 ans de règne, à restaurer les finances de l’Assurance-maladie sans trop mécontenter les médecins. Mais elle laisse un bilan santé inachevé.
Grèves dures et cagnotte
De 2005 à 2021, Angela Merkel aura « usé » cinq ministres de la Santé, dont une social-démocrate jusqu’en 2009, puis deux libéraux et deux membres de son parti.
Au printemps 2006, elle dut affronter pendant plusieurs mois les grèves les plus dures de l’histoire du corps médical, tant hospitalier que libéral, opposé aux réformes drastiques destinées à mettre un terme aux déficits de l’Assurance-maladie. La social-démocrate Ulla Schmidt fut chargée de ce « sale boulot », qui la rendit particulièrement impopulaire, avant que son successeur libéral, le Dr Philipp Rösler, ne commence à desserrer l’étau.
Les années 2010 à 2019 virent l’Assurance-maladie allemande accumuler les bénéfices, au point de constituer une véritable « cagnotte » qui dépassa les 30 milliards d’euros. Elle s’est sérieusement dégonflée depuis trois ou quatre ans, le Covid n’ayant rien arrangé : et cette année, l’Assurance-maladie est à nouveau déficitaire, une situation que le prochain gouvernement, quel qu’il soit, ne tolérera pas longtemps.
Quel avenir ?
Pour ces élections législatives du 26 septembre, les programmes santé des partis sont restés très généraux. Ils abordent une fois de plus la question de l’Assurance-maladie privée, qui couvre 13 % des assurés, moyennant des cotisations plus élevées que celles payées par les 87 % d’assurés « publics », mais qui offre aussi plus de prestations et une meilleure rémunération aux médecins. La CDU souhaite maintenir le libre choix des patients de s’assurer dans le public ou dans le privé, alors que les partis de gauche plaident pour une Sécu universelle, un peu comme en France, idée rejetée par la majorité des médecins libéraux.
Pour le reste, les thèmes santé se cantonnent à des questions de société : la gauche et les Verts réclament une libéralisation du « droit à mourir » et de l’euthanasie active, de même qu’un allègement des restrictions sur l'avortement, deux propositions combattues par les chrétiens-démocrates.
Maladresses
L’actuel ministre CDU de la Santé, Jens Spahn, en poste depuis 2018, s’était volontiers imaginé comme successeur désigné de Mme Merkel ; mais une série de maladresses et une popularité très relative, y compris chez les médecins, l’ont forcé à revoir ses ambitions à la baisse. En outre, Jens Spahn a mis en place quelques réformes plutôt mal vécues par le corps médical dont l’obligation, pour les spécialistes, de donner des rendez-vous à tout assuré « public » aussi rapidement qu’aux assurés « privés ». Une mesure née de polémiques rappelant celles, en France, sur l’accès aux médecins de secteur II.
Le ministre fédéral de la Santé a aussi entamé à marche forcée la digitalisation de la santé, dont le remboursement des consultations de télémédecine, face auxquelles les médecins se sont longtemps montrés sceptiques. La prochaine étape, en janvier 2022, doit être le lancement de l’ordonnance électronique, mais elle sera sans doute reportée car trop peu de médecins sont équipés pour cette nouvelle procédure.
Gestion critiquée du Covid
En Allemagne comme en France, l'exécutif n’a pas échappé aux critiques sur sa gestion du Covid : outre-Rhin, ce ne sont pas les masques, mais plutôt les blouses, qui ont manqué, de même que la coordination logistique, longtemps anarchique en raison de la structure fédérale du pays.
Le grand défi à venir sera la démographie médicale déclinante : la population vieillit et le nombre de praticiens totaux baisse, si bien que de nombreux experts pressent le gouvernement de réviser l’organisation des soins. Ils préconisent la création de structures de santé libérales pluriprofessionnelles, plus attractives pour les jeunes médecins, et le développement des délégations de tâches. Mais pour le président de l’Ordre fédéral des médecins, le généraliste Klaus Reinhardt, « le nouveau gouvernement devra d’abord et surtout alléger les tâches et contraintes administratives de la profession, afin que les médecins disposent de davantage de temps pour soigner davantage de patients tout en étant moins nombreux ».
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes