Le point de vue de Dominique Bussereau*

À bout de souffle, notre système sanitaire et médicosocial doit être repensé

Publié le 04/09/2020
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Ce homme politique ex-LR est la voix des départements de France. Il déplore les lourdeurs et cloisonnements qui ont perturbé la gestion de la crise sanitaire sur le terrain. Et il appelle à une refonte de notre système sanitaire et médico-social, avec plus de place aux départements et des ARS recentrées sur une fonction de stratège.

Crédit photo : Damien Grenon

À son pic d’acmé, l’épidémie de Covid-19 a constitué un véritable révélateur pour notre politique sanitaire. Confronté à une crise inédite et sidérante, notre système de soins a résisté, mais il a fait apparaître de très nombreuses failles.

En premier lieu, les objectifs de santé publique et les véritables besoins de nos concitoyens divergent. La crise des moyens hospitaliers, que la pandémie a exacerbée, se double d’une crise des vocations. Le Ségur de la Santé, n’offrant qu’un strapontin aux collectivités locales, s’est concentré sur l’Hôpital. Pourtant, le secteur médicosocial, que les Départements connaissent bien, souffre aussi beaucoup.

En second lieu, les approches cloisonnées et sectorielles, dénoncées de longue date, ont fortement handicapé l’action locale, tant sanitaire que médicosociale.

En troisième lieu, la gouvernance et le management des politiques de santé, par trop bureaucratiques et descendantes, ont montré leurs limites dans de nombreuses régions, avec des incohérences voire des dysfonctionnements inacceptables.

Cette pandémie met donc clairement en évidence l’absolue nécessité d’une approche locale coordonnée de notre politique de santé. Pour les Départements de France, c’est une évidence : les politiques sociales, médicosociales et sanitaires ne seront véritablement efficaces et opérantes qu’à la condition d’être incarnées localement.

Au faîte de la crise, les Départements ont déploré les cloisonnements et les phénomènes d’inertie qui existent dans l’organisation du système de soins. Un exemple lourd de conséquences suffit à le démontrer : la distribution de protections dans les établissements et services sociaux et médicosociaux. Nous estimons que les Départements qui sont en lien quotidien avec ces structures étaient les mieux placés pour assurer cette distribution. D’autant qu’ils se sont organisés très tôt pour pallier le manque d’approvisionnement de l’État. Quand les moyens ont été disponibles, certaines ARS ont exigé d’organiser la répartition, sans concertation véritable avec les Départements. Leur éloignement des réalités quotidiennes et leur manque d’agilité, imputables à leur périmètre surdimensionné, ont donc été préjudiciables à la distribution des masques.

Par ailleurs, sur un plan administratif, l’exemple de la double habilitation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) met en évidence des lourdeurs qu’il conviendrait de supprimer au moment même où les besoins en ressources humaines sont criants.

Reconsidérer le rôle des ARS

L’ADF fait des propositions pragmatiques pour enfin supprimer ces pesanteurs, par exemple : confier aux Départements (volontaires) un pouvoir de tarification unique pour les établissements sociaux et médicosociaux et de nomination des directeurs (Ehpad et foyers pour personnes handicapées).

De même, dans la mesure où le législateur a confié au Département l’accompagnement de nos concitoyens les plus fragiles, l’ADF propose de le conforter dans ce rôle, sur l’ensemble du secteur médicosocial. Que la personne âgée ou handicapée vive à son domicile ou qu’elle soit accueillie en institution, le Département assumerait la responsabilité de son accompagnement médicosocial, tout au long de son parcours.

Par voie de conséquence, il nous paraît nécessaire de reconsidérer le rôle des agences régionales de santé (ARS). Le champ social et médicosocial relevant du Département, nous proposons des ARS davantage stratèges dans la déclinaison d’une politique nationale de santé, signant des contrats de santé sociaux et médicosociaux avec les Départements de leurs périmètres régionaux respectifs.

Les études le démontrent : nos concitoyens font confiance aux collectivités locales car elles sont garantes des solidarités et de proximité. La reconnaissance exprimée par le grand public, particulièrement en cette période de crise, en constitue la meilleure preuve.

La santé est un bien précieux qui bénéficie des progrès de la science. De plus en plus technique, l’appréhension de la santé doit toutefois demeurer humaine, donc éthique.

Si la crise sanitaire, économique et sociale provoquée par l’épidémie de Covid-19 bouleverse notre société, elle nous oblige d’urgence à refonder notre système sanitaire et médicosocial. Dans ce cadre rénové, moins administratif et plus humain, les Départements entendent assumer toutes leurs responsabilités, au bénéfice de nos concitoyens.

 

* Ancien ministre,   président de l’Assemblée des Départements de France,   président du Département de la Charente-Maritime

Source : Le Quotidien du médecin