CRSIPR-Cas9, cet outil « révolutionnaire » d'édition de génome, a fait peur au monde entier en avril 2015, suite à la publication d'un essai chinois sur des embryons humains. Après des vagues de controverses, un sommet mondial s'est tenu à Washington début décembre 2015 sur les questions éthiques et de sécurité posées par la technique à la demande des Académies des sciences américaine, britannique et chinoise.
La France n'est pas en reste. Parallèlement à l'Académie des sciences qui consacre une séance dédiée le 29 avril, l'Office Parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) s'est saisi de la question dans le cadre d'un rapport sur « Les enjeux économiques, environnementaux, sanitaires et éthiques des biotechnologies ». Une audition publique s'est tenue le 7 avril à l'Assemblée nationale avec scientifiques, médecins, politologues, éthiciens et acteurs de l'industrie.
« Facile, rapide, efficace et peu chère, la technique CRISPR-Cas9 développée par la française Emmanuelle Charpentier et l'américaine Jennifer Doudna fait craindre une utilisation « sauvage » voire de biologie de garage. La crainte repose sur l'application possible sur l'embryon et les cellules germinales avec les risques d'eugénisme, de « bébé à la carte » et de transmission aux générations futures. Sans compter que la technique sur l'embryon qui nécessite une efficacité à 100 % n'est pas au point avec un risque encore important de mutations non voulues hors cible, dites « off target ».
Le seul texte contraignant est la convention sur les droits de l'homme et de la biomédecine établie en 1997, dite convention d'Oviedo. L'article 13 indique deux principes clefs pour les cellules germinales : toute modification doit profiter à la santé humaine (prévention, diagnostic, thérapeutique) et l'intervention ne doit pas introduire de modification dans le génome de la descendance. Si la France a ratifié le texte, comme 28 autres pays, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Chine ne l'ont pas fait. Certains pays de l'Est affichent une position très ambiguë sur la question.
L'idée d'un moratoire n'a pas été retenue lors du sommet de Washington. Comme l'a expliqué Jennifer Merchant, politologue, qui y a participé activement et qui fait partie du groupe d'étude chargé de rédiger un rapport en septembre prochain, « en l'absence de données, sur quoi peut-on se prononcer aujourd'hui ? »
Soutenir la recherche sur l'embryon
C'est ainsi qu'un consensus relevé par le président de l'OPECST Jean-Yves Le Déaut se dégage pour dire que la recherche la plus large possible, y compris sur l'embryon, doit être soutenue, ne serait-ce que pour mieux comprendre les premiers instants de la vie. C'est la recommandation n° 1 émise par le comité d'éthique de l'INSERM en réponse aux problèmes soulevés par la rapidité de développement de la technique.
Des scientifiques, tels que le Dr Jean-Louis Mandel, généticien, ou le Pr Jean-Claude Weill, immunologiste, ont avancé que des positions de « principe » défendues par certains, y compris pour l'interdiction de la recherche, sont difficilement tenables face à la demande de parents pour protéger leurs enfants d'une maladie grave.
Pour le généticien Jean-Louis Mandel, l'application de la technique sur l'embryon doit d'abord se faire « au cas par cas » d'abord pour des situations tragiques, avançant le fait qu'il ne faut pas se fermer de porte. Ce pourrait être des situations exceptionnelles de transmission de maladie grave monogénique, où le diagnostic prénatal (DPN) et le diagnostic préimplantatoire (DPI) sont inopérants (homozygotie dominante de l'un des 2 parents par ex. chorée de Huntington, homozygotie récessive chez les 2 parents, par ex drépanocytose), a indiqué le Pr Pierre Jouannet, mais aussi en cas d'anomalie de l'ADN mitochondrial, a souligné le Dr Jean-Louis Mandel.
En médecine, aujourd'hui, les applications de l'édition de génome se limitent à la thérapie génique somatique et de façon limitée avec d'autres outils (TALEN's, nucléases à doigt de zinc) que CRISPR-Cas9. André Choulika, biologiste et président de Cellectis, première boîte en France d'édition de génome, a fait le point. Une fillette britannique atteinte d'une leucémie incurable a été soignée par des cellules autologues CAR-T modifiées par édition de génome. Un essai de phase 2 est en cours par le laboratoire Sangamo sur le gène CCR5, dont une mutation naturelle confère une résistance au SIDA lors de l'infection VIH.
En 2017, CRISPR-Cas9 va faire ses débuts en thérapie somatique avec le lancement par Emmanuelle Charpentier d'un essai clinique dans une forme rare d'amaurose de Leber. Si l'édition de génome sur l'embryon paraît encore éloignée de l'application clinique, le Dr Jean-Claude Ameisen, président du Comité Consultatif National d'Éthique (CCNE) a souligné l'importance de préparer la réflexion bien avant que la technique ne soit là. Le CCNE s'est saisi de ces questions l'année dernière.
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