LE QUOTIDIEN : Depuis plusieurs années, les généralistes italiens réclament une revalorisation de leurs conditions de travail. Comment fonctionne la médecine générale en Italie ?
Dr ALESSANDRO SABATINI : Nous sommes directement rémunérés par la Sécurité sociale. En Italie, l’accès à la médecine générale est totalement gratuit à condition d’être résident. Nous travaillons parfois plus de 10 heures par jour. Nous touchons environ 3 à 4,50 € par mois par patient. Je suis 1 550 patients comme une grande partie de mes confrères pour un salaire brut de 7 000 € par mois. Mais je dois payer la location du cabinet, l’électricité, le gaz, le téléphone, les impôts, l’assurance privée, mon assistante, le matériel médical… Auxquels s'ajoute mon remplaçant lorsque je pars en vacances ou que je suis en congé maladie, ce qui est rare car un généraliste qui travaille dans nos conditions, ne peut pas se le permettre.
Au final, mon salaire frôle la barre des 3 500 €. Mais ce chiffre varie en fonction des augmentations des cotisations sociales, du salaire de la secrétaire, du loyer, des frais éventuellement déductibles, de l’impôt sur le revenu... Il faut toujours être très attentif aux dépenses.
Avez-vous le sentiment qu’il est impossible de suivre 1 600 patients ?
Tout dépend du médecin, de son organisation interne et de l’âge des patients. Augmenter le nombre de généralistes pour permettre à chaque médecin de réduire le nombre de patients est impossible car l’Italie est actuellement confrontée à une grave pénurie de médecins et pas seulement en ce qui concerne la médecine générale. Aujourd’hui, la profession manque d’attractivité. Il y a le problème du numerus clausus et celui de la médecine défensive, la plupart des médecins passant de plus en plus de temps à se prémunir contre les risques judiciaires. À cela s’ajoute la violence avec des agressions de plus en plus fréquentes. Enfin, il faut prendre en compte les conditions de travail et les salaires peu attractifs.
De nombreux généralistes dénoncent leurs conditions de travail. Comment le système devrait-il évoluer ?
Il faudrait réorganiser le système à l’échelle nationale et en profondeur. Cela veut dire rétablir l’équité territoriale en matière d’accès aux soins, combattre la désertification médicale qui oblige les médecins à multiplier leur nombre de patients. Puis il faudrait décharger le médecin d’une partie du travail administratif en réduisant les lourdeurs bureaucratiques, augmenter le nombre de structures sur le territoire et dépolitiser le système de santé. Enfin, il est nécessaire d'introduire un système de bouclier sous forme de protection juridique pour les praticiens ce qui permettrait de maîtriser le recours quasi systématique à la médecine défensive qui plombe la profession. L’État ne nous accorde aucune protection et nous devons souscrire une assurance privée. La Sécurité sociale par exemple peut porter plainte contre un médecin au prétexte qu’il n’a pas bien rempli un certificat.
Le métier de généraliste risque de disparaître et pourtant, le médecin traitant est l’un des maillons essentiels de la chaîne de santé. Que faut-il faire pour éviter le pire ?
Les généralistes ont joué un rôle essentiel pendant toute la pandémie car ils ont fait le lien entre les différents maillons de la chaîne de santé. Environ 97 % des cas de coronavirus ont été traités au niveau territorial et le reste dans le circuit hospitalier. Malheureusement, il semblerait que les institutions aient déjà tout oublié.
Pour relancer la profession, il faut simplifier et moderniser le système, je pense par exemple au carnet de santé numérique. Pour cela, il faudrait aligner toutes les régions, il y a trop de différences. Chaque région est comme un état indépendant. Enfin, il faut revoir les salaires et accorder peut-être des primes à la production pour stimuler les jeunes médecins. Le système italien est l’un des meilleurs, la couverture est universelle. Mais dans la pratique, cela ne fonctionne pas au niveau de la relation avec les médecins.
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