« Non, rien n’a changé depuis deux ans ! Le tiers payant est en échec puisque les lecteurs de carte Vitale ne passent pas dans certains domiciles, la prise de rendez-vous en ligne n’est pas assurée. Avec un débit insuffisant, les médecins n’ont pas le temps de s’épuiser à télécharger des comptes rendus de biologie. Et ils ne se lanceront pas dans la téléconsultation dans ces conditions ».
Le président fondateur de l'Université des déserts médicaux et numériques, Guillaume de Durat, ne mâche pas ses mots et dresse un tableau sombre. Pour cette deuxième édition organisée dans la Nièvre, le consultant e-santé énumère les dommages de la fracture digitale qui perdure (problèmes de débit, sécurisation, lenteurs, coupures), d'abord liée à une couverture fixe et mobile insuffisante.
Zones blanches
D'après l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep, gendarme du secteur), près de 18 % de la population vit en zone « peu dense » en couverture très haut débit (4G) – soit 22 500 communes rurales. En janvier 2018, un accord intitulé « new deal mobile » a été conclu avec les principaux opérateurs de téléphonie (Bouygues, Orange, Free et SFR). Il prévoit la couverture prioritaire en 4G des zones blanches privées d'Internet ou de réseaux de qualité. Chaque opérateur doit fournir 5 000 installations supplémentaires (pylônes, antennes) d'ici à 2020. L’Allier pourra bénéficier de « 12 nouveaux sites avec 12 nouveaux pylônes, alors qu’il en faudrait 200 », relativise Patrice Lamy, chef de service aménagement numérique du territoire au conseil départemental.
Députée (LREM) de la Nièvre, Perrine Goulet reconnaît que le déploiement de la couverture numérique de qualité constitue une nécessité. « J'ai rencontré une habitante qui n'a pas pu appeler les pompiers avec son téléphone mobile et quand ils sont arrivés, c'était trop tard, sa maison avait brûlé », raconte-t-elle. Elle plaide pour la prise en compte des projets locaux de santé, indispensables pour faire choix prioritaires. « Par exemple, il n'y a pas les mêmes besoins de téléconsultation dans un territoire où l'offre de soins est déjà correcte. On n'a peut-être pas besoin d'avoir la fibre partout. » La députée réclame la portabilité entre les opérateurs. « Une infirmière a parfois besoin de quatre forfaits pour bénéficier d'une couverture correcte lorsqu’elle se déplace à domicile ».
Que faire lorsque les besoins sont urgents ? L'Allier va proposer des camions mobiles reliés au réseau très haut débit parcourant les zones blanches pour permettre à la population de faire leurs démarches administratives en ligne. Ingénieur à Numerisat, Didier Flaender évoque des camions itinérants connectés pour apporter du matériel de diagnostic aux personnes privées de spécialiste.
Culture médicale
Outre le défi technique de la couverture réseau, la question de l’appropriation par les médecins des pratiques à distance est posée. Un bilan récent de la CNAM a révélé la montée en charge timide des téléconsultations (60 000 actes remboursés en un an, 30 000 patients concernés et seulement 1 600 praticiens libéraux engagés, surtout des médecins jeunes et en région parisienne).
Comment convaincre des médecins ruraux surchargés de sauter le pas de la télémédecine ? Pour le Dr Evelyne Voitellier, anesthésiste au CH de Vichy et présidente de la commission « offre de soins » du conseil départemental de l'Allier, la tâche sera complexe pour les médecins en solo. Or, dans ce département, 50 % des généralistes exercent seuls malgré le développement des maisons de santé. « Il y aura toujours des médecins, jeunes ou âgés, réfractaires à la télémédecine car ils sont persuadés que la médecine doit rester un rapport humain. Il y a sans doute une culture médicale à changer ».
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