« Il est temps qu'on dépasse nos différences qui sont un handicap par rapport aux décideurs. Il est temps aussi de ne pas entrer dans une guerre intergénérationnelle. ». Le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, savoure ce moment à ses yeux « historique ». Jamais la centrale polycatégorielle n'avait invité les organisations syndicales concurrentes et les juniors à dialoguer publiquement.
Ce fut chose faite à l'occasion de la 25e Université d'été de la CSMF, à Antibes (13 au 15 septembre). Car face aux « attaques de toutes parts » contre le métier et l'exercice libéral (réforme des retraites, délégations de tâches à la hussarde, pression sur les soins non programmés, montée en puissance des GAFA et de l'intelligence artificlelle), l’union syndicale devient pour la Conf' une évidence. Un défi à relever pour que « le médecin reprenne le pouvoir face aux décideurs politiques ». « Ce qui unit les médecins libéraux est plus important et plus fort que ce qui les divise », plaide le Dr Ortiz.
Oecuménisme et divergences
Cet appel à l'œcuménisme intervient quelques mois après une précédente initiative. En mai, le Dr Patrick Gasser, président de la branche spécialiste de la CSMF, avait annoncé de son côté son intention de créer une « plateforme commune » pour fédérer toutes les spécialités, au-delà de ses 34 verticalités adhérentes, appelant même de ses vœux un « syndicat unique ». Une démarche qui prétendait rassembler les spécialistes pour peser davantage. « Alors que 85 % des diagnostics sont faits par des spécialistes, nous ne sommes ni entendus, ni écoutés, ni accompagnés. Aujourd’hui, il est difficile pour un syndicat polycatégoriel de porter à la fois les revendications des généralistes et celles des spécialistes », reconnait-il. « Où est la place des spécialistes libéraux dans les CPTS ? » martèle le gastroentérologue nantais.
Ces appels à l'unité peuvent-ils déboucher sur des actions communes ? À Antibes en tout cas, plusieurs syndicats juniors de carabins (ANEMF), d'internes (ISNAR-IMG, ISNI), jeunes généralistes et remplaçants (ReAGJIR) mais aussi deux syndicats représentatifs à la culture très différente (MG France et la FMF) ont fait le déplacement pour échanger sur le métier, la coopération interpro ou le contrat social, à l'occasion d'une table ronde. Egalement sollicités, le SML et Le BLOC ont décliné l'invitation.
Le patron de la CSMF a proposé de formaliser un groupe de contact intersyndical, une initiative bien accueillie par les organisations présentes. « C'est la première fois que nous sommes invités par un syndicat senior. Nous avons l'impression d'être entendus, on verra si on arrive à surmonter nos divergences », commente le Dr Laure Dominjon, présidente de ReAGJIR.
Secrétaire général de MG France, le Dr Jean-Louis Bensoussan se veut « positif ». La période est certes moins conflictuelle que par le passé lorsque les deux syndicats se livraient une guerre sans merci (plan Juppé, médecin référent ou filières de soins), dans la foulée du schisme du milieu des années 80 ayant abouti à la création du syndicat monocatégoriel (par des généralistes s'estimant mal défendus). Le Dr Bensoussan reconnaît même quelques récentes « convergences de lutte » avec la CSMF sur l'évolution de la permanence des soins, la mise en place des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et des assistants médicaux. Sur l'abandon du tiers payant généralisé obligatoire ou le C à 25 euros, tous les syndicats ont surmonté leurs divergences pour obtenir l'essentiel.
D'autres sujets pourraient favoriser un front commun : le plan urgences avec la nécessité de préserver une régulation libérale et de valoriser la prise en charge des soins non programmés ; le combat contre la réforme des retraites (qui a déjà donné lieu à un communiqué paraphé par les cinq syndicats); ou encore les délégations de tâches où le médecin devra rester « le chef d'orchestre du parcours de soins ».
Manœuvre politique
Mais cette volonté affichée d'unité, du moins de rapprochement, réclamera des clarifications. La part des rémunérations forfaitaires (MG France est prêt à aller jusqu'à 20 % de la rémunération), certains modes d'exercice ou encore le mode de représentativité syndicale sont des sujets sensibles. Sur ce dernier point, deux camps s'affrontent : ceux qui envisagent la fin du système des élections professionnelles (MG France, SML, ReAGJIR) et les autres (CSMF, FMF), qui restent favorables aux élections aux URPS pour déterminer la représentativité syndicale.
À un an justement de ces élections, la volonté de se démarquer pourrait reprendre le dessus. Très méfiant, le Syndicat des médecins libéraux (SML) voit dans ces appels à l'unité syndicale « une manœuvre politique ». « La CSMF connaît des dissensions internes et souhaite se refaire une virginité avec les spécialités. Nous ne sommes pas dupes », déclare le Dr Philippe Vermesch, président du SML. Pour le Dr Philippe Cuq, co-président du BLOC, « on peut avancer mais il faudra que chacun garde son identité. Par exemple, la ROSP (rémunération sur objectifs de santé publique) a été une grave erreur et on s'oppose totalement au paiement à l'épisode de soins ».
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