Au micro d'Europe 1, la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn a promis qu'il y aurait « des suites » et des « peines graves » dans l'affaire des lots de lait infantile Lactalis contaminé à la salmonelle. Elle s'est déclarée inquiète que « les gens ne prennent pas suffisamment conscience du risque sanitaire dans le retrait des lots qui est totalement de la responsabilité de chacun ».
La ministre a réagi à la présence de lots suspects dans des pharmacies d'officine et des établissements hospitaliers : « C'est incompréhensible et c'est totalement de la responsabilité soit des établissements soit des pharmaciens [...] on est en train de faire une enquête avec les Agences régionales de santé sur les hôpitaux incriminés », a-t-elle annoncé.
Au 9 janvier, les autorités de santé avaient recensé 35 nourrissons atteints de salmonellose et ayant consommé un lait ou un produit d'alimentation infantile de l'usine Lactalis incriminée. Dix-huit nourrissons ont été hospitalisés, mais tous sont sortis de l'hôpital, selon la même source. La situation serait pourtant « sous contrôle » - pas de nouveau cas depuis début décembre -, selon la ministre qui s'est exprimé ce matin sur Europe 1.
Lactalis : la situation sanitaire est sous contrôle. Le dernier cas identifié date du 2 décembre. Les parents doivent rester vigilants et consulter en cas de symptômes. #E1Matin
— Agnès Buzyn (@agnesbuzyn) 12 janvier 2018
À l'annonce de la vente de lait du lot incriminé dans des pharmacies d'officine, la présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, Carine Wolf-Thal, a vivement réagi sur Twitter, promettant des sanctions.
Stupéfaite d'apprendre que des pharmaciens auraient délivrés des produits Lactalis incriminés après le rappel. Si les faits sont avérés, des procédures disciplinaires seront engagées. Soutien aux familles qui auraient pu pâtir de tels manquements.
— Carine Wolf-Thal (@CarineWolfThal) January 11, 2018
La responsabilité d'autres acteurs pourrait également être engagée : fin décembre, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour « blessures involontaires », « mise en danger de la vie d'autrui », « tromperie aggravée par le danger pour la santé humaine » et « inexécution d'une procédure de retrait ou de rappel d'un produit » préjudiciable à la santé.
À l’issue d'un entretien tenu cet après-midi avec le président directeur général de Lactalis, Emmanuel Besnier, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a annoncé que l'entreprise rappellera tous les produits laitiers infantiles fabriqués sur son site de Craon (Mayenne), « quelle que soit leur date de fabrication, dans tous les lieux de commercialisation, en particulier la grande distribution et les pharmacies ».
Bruno Le Maire souhaite ainsi « éviter les retards, les difficultés dans le tri des lots et le risque d'erreur humaine ». Le président de Lactalis « communiquera publiquement sur les causes de la contamination dès qu'elles seront établies », a assuré le ministre. Écartant le spectre d'une fermeture du site dont 250 des 327 salariés sont actuellement au chômage technique, Bruno Le Maire a également annoncé que « tous les investissements nécessaires sur le site de Craon seront faits pour garantir la sécurité sanitaire du site ». Il a également demandé à Emmanuel Besnier de faire preuve de plus de transparence : faute d'accord avec Lactalis, le ministre de l'Économie a dû signer lui-même, le 9 décembre, un arrêté demandant la suspension de la commercialisation des laits infantiles et le rappel de quelque 600 lots, soit 11 000 tonnes.
Les commissions des affaires économiques et des affaires sociales du Sénat ont annoncé un cycle d’auditions afin de mieux comprendre la nature et l’étendue des dysfonctionnements.
La même bactérie qu'en 2005
Autre facteur aggravant pour l'usine Lactalis de Craon, où les lots ont été produits : la salmonella Agona retrouvée dans ses tours de séchage en 2017 et la même que celle qui avait déjà infecté le site en 2005, selon les investigations du Centre national de référence salmonelle de l'Institut Pasteur à Paris. « D'après les analyses, les deux salmonelles, celles de 2005 et de 2017, sont extrêmement proches », selon le bactériologiste Simon Le Hello qui codirige le CNR.
Plusieurs responsables politiques et syndicaux ont également critiqué l'attitude de l'État, dénonçant notamment une baisse du budget et du personnel à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). « Lorsqu'on voit que dans le budget 2018 il y a une baisse du budget des contrôles de la DGCCRF, comment M. Travert (ministre de l'agriculture N.D.L.R) ose-t-il nous dire que le contrôle est intact ? », a déclaré Geoffroy Didier, le secrétaire général délégué du parti LR.
7 ans d'emprisonnement et 750 000 euros d'amende
Les distributeurs sont également sur la sellette. Selon le gouvernement, la DGCCRF a réalisé 2 500 contrôles depuis le 26 décembre, et en prévoit 2 500 autres dès la semaine prochaine pour vérifier que tous les produits potentiellement contaminés ont bien disparu des rayons et des stocks. Les contrôles déjà effectués ont permis de retrouver des boîtes de lait potentiellement contaminées dans 30 grandes surfaces, mais aussi 44 pharmacies, 2 crèches, 12 hôpitaux et 3 grossistes.
Michel-Édouard Leclerc, PDG du groupe Leclerc, parle d'une « défaillance systémique et pas seulement sectorielle ». C'est le premier distributeur à avoir communiqué en début de semaine sur la vente dans ses établissements de 984 boîtes de lait appartenant à des lots qui auraient dû être retirés. La marque Auchan lui a emboîté le pas (52 boîtes), suivi de l'enseigne intermarché (2 boîtes) et du groupe Cora (72 boîtes), Système U (384 boîtes) et Carrefour (434 boîtes). S'il est prouvé que les enseignes ont volontairement laissé les produits en stocks, les sanctions peuvent aller jusqu'à 7 ans d'emprisonnement et 750 000 euros d'amende.
Dans un communiqué, Michel Édouard Leclerc estime que « tous les acteurs économiques, depuis le producteur Lactalis jusqu'au distributeur (GMS comme officine) ont eu des points de défaillance. Et, c'est désormais une certitude, les services de l'État aussi ».
Les associations ont également réagi : l'ONG Foodwatch France, qui dénonce « l'omerta » et « l'opacité du système de sécurité sanitaire » a par exemple lancé une pétition en ligne pour réclamer, de la part des distributeurs, d’employer « tous les moyens de communication afin d’assurer une totale transparence à destination des consommateurs. »
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