C'est en constatant chez ses patients non fumeurs de moins de 50 ans de nombreux cancers du poumon ou de la vessie, que le Dr Thomas Bourdrel, radiologue strasbourgeois, s’est emparé des questions liées à la pollution atmosphérique. « J’ai commencé à m’y intéresser en 2014, lors des élections municipales. Mais personne ne voulait en parler alors que pendant plusieurs jours la ville a connu un pic de pollution intense ».
Depuis, avec le collectif Strasbourg respire, il alerte et sensibilise sur les effets de la pollution atmosphérique sur la santé. « Je suis médecin, précise-t-il, je ne fais pas de l’écologie punitive. C’est d’abord un problème de santé publique qui devrait être géré par le ministère de la Santé ». Pourtant, cette problématique est encore trop associée à sa dimension écologique et, « à cause de cette mauvaise classification, les choses n’avancent pas ».
Des effets sur tous les organes
Plusieurs études sont venues pourtant démontrer la nocivité des gaz « primaires » (le dioxyde de soufre (SO2) et les oxydes d’azote (NOx)) et l’ozone issues principalement du trafic routier, (moteurs diesel) ou du chauffage au bois. Ainsi que d’autres particules nocives classées selon leur taille : grossières (PM10), fines (PM2,5) et ultrafines (PM0,1).
Une exposition régulière à la pollution de l’air, même en deçà des seuils recommandés en Europe, a des effets sur la santé. Le radiologue en est persuadé. Les composés sont semblables à ceux retrouvés dans la fumée de cigarette, explique-t-il : « on est donc très proche du tabagisme passif lorsqu’on est exposé à la pollution de l’air ». Par ailleurs, la mauvaise qualité de l'air augmente les risques d’infarctus, d’accident vasculaire cérébral ou d’insuffisance cardiaque aiguë et provoque un stress oxydatif endommageant notamment le système vasculaire. Enfin, les particules ultrafines, non prises en compte dans les mesures de qualité de l’air, peuvent passer dans le sang et dans les autres organes comme le cerveau. « On a pu démontrer récemment qu’elles peuvent franchir le placenta et donc avoir un effet sur la grossesse », détaille le médecin.
Tous les médias sont bons
Pour faire passer son message, Thomas Bourdrel ne manage pas ses efforts. Il organise des conférences adressées au grand public ou collabore avec la Dr Sophie Rabourdin, une généraliste strasbourgeoise, à la réalisation d’une bande dessinée. Il interpelle également les politiques via des tribunes dans la presse pour proposer l’amélioration des transports en communs, le développement du vélo ou l’interdiction des véhicules polluants en ville. Des pétitions sont rédigées dont « deux signée chacune par plus de 100 médecins, pour forcer les élus à prendre des décisions en faveur de l’environnement ».
Son action passe aussi par la sensibilisation d’autres médecins, de toute spécialité, « qui n’ont aucune formation sur ce sujet. Ce n’est plus seulement un problème de pneumologues », dit-il. Dans ce but, il publie les résultats de ses recherches dans des revues de cardiologie, organise des formations ouvertes aux médecins, dont une dernièrement - Airducation - en coopération avec l’Université de Créteil. Ces dernières années, son combat a pris aussi une dimension nationale. Il a créé il y a deux ans le collectif Air-Santé-Climat avec l’association santé environnement France, l’Inserm et le CNRS regroupant des médecins et des chercheurs spécialisés sur ces questions.
Petit à petit, ces actions commencent à porter leurs fruits. Thomas Bourdrel se félicite par exemple que les cardiologues français et européens « sont de plus en plus sensibilisés au rôle de la pollution de l’air sur les maladies cardiovaculaires ». Ces questions sont par ailleurs davantage prises au sérieux par les politiques. « Au cours de la campagne pour les municipales de 2020, l’environnement et surtout la pollution de l’air sont en première place dans les programmes », se réjouit-il.
Mais « il y a encore du travail ». Des voix s’élèvent encore pour expliquer que la pollution diminue sans évoquer les changements dans sa composition. « Il faut continuer à répéter ce message, insiste Thomas Bourdrel, car si on arrête notre action, il est possible de voir réapparaître des discours visant à minimiser ce problème ».
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