Plusieurs enquêtes présentées lors d’une Journée scientifique de la santé humanitaire et solidaire organisée pour la première fois par Médecins du Monde révèlent qu’un nombre croissant de personnes vivant en France renonce à se soigner. Un constat qui remet en question l’efficacité de l’ensemble des dispositifs de solidarité mis en place au cours des dernières années.
Plusieurs études réalisées entre 2008 et 2011 montrent que le renoncement aux soins est en augmentation. Ce phénomène est d’ailleurs souvent lié au non-recours aux dispositifs de solidarité comme la couverture maladie universelle (CMU) ou l’aide complémentaire santé (ACS).
D’après Marielle Chappuis, chargée de projet de l’Observatoire de l’accès aux soins en France, crée en 2000 par MDM, 16 % de la population générale, 22 % des bénéficiaires de la CMU complémentaire (CMU C), 25 % des bénéficiaires de l’Aide médicale d’État (AME, pour les personnes en situation irrégulière) et 30 % des personnes sans complémentaire renoncent à avoir recours à des soins. Sans surprise, les femmes, les personnes âgées et les personnes en situation précaire vis-à-vis du logement sont les plus touchées à l’intérieur de ces populations. L’existence d’une pathologie chronique est également un facteur de renoncement aux soins, indique l’Observatoire de l’accès aux soins qui précise que, parmi les presque 30 000 personnes reçues en 2013 dans l’un des 20 Centres d’accueil, de soins et d’orientation (CASO), 90 % ne disposaient d’aucune couverture maladie alors que les trois quarts y avaient théoriquement droit.
Méconnaissance du droit et difficultés administratives
Au premier rang des principaux obstacles à l’accès aux soins recensés par MDM, la méconnaissance des droits et structures et les difficultés administratives rencontrées au sein du parcours de santé pèsent au moins autant que les difficultés financières.
Les conséquences sanitaires observées chez les personnes accueillies dans les CASO sont explicites : un retard de recours aux soins pour 35 % d’entre elles (vs 24 % en 2010), un retard de suivi de grossesse pour 42 % des femmes enceintes et des retards importants en terme d’accès à la prévention (couverture vaccinale bien inférieure aux recommandations nationales, moindre santé buccodentaire et méconnaissance de son statut sérologique VIH/VHC pour deux tiers des patients).
Si de nombreux obstacles jalonnent les parcours, d’autres raisons contribuent également à expliquer que certaines personnes renoncent tout simplement à leurs droits. Héléna Revil, docteur en sciences politiques et chercheur à l’Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore), explique ainsi que, « dans le cas de la CMU C, la question de la stigmatisation est prégnante : si certains ressortissants potentiels ne veulent pas en bénéficier, c’est bien parce qu’ils refusent d’entrer dans une catégorie qu’ils jugent disqualifiante ».
En ce qui concerne l’ACS, les situations de non-demande sont d’une autre nature. Une partie des bénéficiaires potentiels, bien que connaissant cette aide et les modalités pour y accéder, ne veulent pas en bénéficier parce qu’ils ne le peuvent pas. Ils indiquent en effet ne pas pouvoir assumer le reste à payer pour obtenir une complémentaire, même en utilisant le dispositif.
Globalement, « la CMU C, l’AME et l’ACS sont des prestations « ciblées » et sont ainsi plus exposées au non-recours », conclut Héléna Revil. Plus inquiétant encore, l’ensemble « est surplombé d’un climat général qui amène de nombreuses personnes à s’éloigner de leurs droits. Beaucoup disent ne plus se sentir légitimes à les demander et avoir perdu l’idée même d’avoir des droits ».
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