C'est l'une des marottes des élus de la chambre haute : manier la carotte un jour et le bâton le lendemain sur la démographie médicale ! Après la création de zones franches médicales pour favoriser les installations en libéral, les sénateurs ont adopté ce vendredi, lors de l'examen en séance du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2022), un amendement prévoyant cette fois la mise en place d'un conventionnement sélectif pour les nouveaux médecins.
Cet amendement propose de conditionner, « à compter du 1er novembre 2022 », tout nouveau conventionnement d'un médecin à la réalisation préalable par ce médecin d'un remplacement – ou d'un exercice salarié auprès d'un confrère libéral – dans une zone sous-dotée « pendant une durée totale d'au moins six mois ».
Le gouvernement hostile
Selon la rapporteure Corinne Imbert (LR, Charente-Maritime), cette mesure doit « inciter très largement » les médecins nouvellement diplômés et les étudiants achevant leur cursus à réaliser des remplacements en libéral sur les territoires insuffisamment dotés. Les jeunes débutant souvent leur carrière par des remplacements, le pari est de les encourager à réaliser systématiquement ces premiers « remplas » dans les zones fragiles…
Cet amendement a reçu un avis défavorable du gouvernement, représenté par le secrétaire d'État à l'Enfance Adrien Taquet. « Le conventionnement sélectif crée des effets de bord, il y a d'autres solutions plus satisfaisantes et nous en avons mis en œuvre depuis le début de ce quinquennat comme le soutien aux stages ambulatoires, le déploiement des assistants médicaux ou les contrats de début d'exercice », a-t-il plaidé en vain.
D'autres sénateurs ont porté des amendements encore plus contraignants (rejetés cette fois), estimant que la situation de l'accès aux soins n'était « plus tenable » pour les millions de Français sans médecin traitant et les élus locaux concernés.
Cadre resserré pour l'accès direct
Outre ce retour du conventionnement sélectif, les sénateurs ont voté l'article 40 qui permet aux orthoptistes de prescrire des lunettes et lentilles sans consultation préalable chez un ophtalmologiste. Ils y ont cependant ajouté comme prévu des critères « exigeants » contre l'avis du ministère de la Santé : les textes d’application seront pris après avis du Conseil national professionnel (CNP) d’ophtalmologie et les bilans visuels ne concerneront que des patients compris dans une tranche d’âge de 16 à 42 ans, avec une faible correction visuelle.
De nombreux élus demandaient la suppression pure et simple de cet article sur l'accès direct – qui a déclenché la colère de l'Ordre et des syndicats de médecins libéraux – pointant un manque de concertation des professionnels concernés et un risque de tensions, de « médecine low cost » ou de résurgence de maladies repérées « trop tardivement ». « On ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu de concertation, on a discuté et concerté depuis un an avec tout le monde, s'est défendu Adrien Taquet. (...) Les orthoptistes ont l'expertise pour assurer ces actes dans le cadre prévu, d'ailleurs les ophtalmologistes s'appuient déjà sur les orthoptistes dans leurs cabinets ! »
Pertinence des soins
L'accès direct aux kinés et aux orthophonistes – fortement soutenu par les représentants de ces professions – a également été encadré par le Sénat, « dans un souci de qualité et de pertinence des soins ». Les amendements adoptés prévoient que le décret d'application de ces expérimentations devra être pris en Conseil d’État après avis de la HAS et de l’Académie nationale de médecine. Un rapport d'évaluation devra être remis au Parlement avant toute généralisation.
Enfin, ces expérimentations seront effectuées dans six départements d'une même région, « afin de rendre le dispositif plus cohérent et de permettre une meilleure visibilité par l'agence régionale de santé ».
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