Dr Jean-François Thébaut, président du Haut conseil du DPC

« ll faut impérativement développer la prise en charge pluriprofessionnelle »

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Publié le 06/09/2018
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Thebault

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LE QUOTIDIEN : Pour développer le DPC, quel est votre chantier prioritaire ?

JEAN-FRANÇOIS THEBAUT : Le DPC pluriprofessionnel est l'un de nos principaux axes de développement. Les soignants se forment beaucoup trop en silo (75 % de l'offre est mono-professionnelle, NDLR). Les actions pluripro existent mais sont orientées vers les équipes des hôpitaux ou les maisons de santé. Or ces dernières ne concernent que 5 % des généralistes ! Il faut donc impérativement développer cette prise en charge pluriprofessionnelle. Les programmes de DPC devront s’adresser aux équipes de proximité regroupées notamment au sein des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Ils devront privilégier la protocolisation et la coordination des actions de prise en charge selon les compétences de chacune des professions.

Allez-vous promouvoir l’innovation en santé ?

C’est le deuxième axe de développement. Cela concerne d’abord les nouvelles méthodes de formation comme la simulation ou le e-learning. Aujourd'hui, 62,5 % des actions ont lieu en mode présentiel ! Cela reste indispensable pour que les équipes échangent mais il y a des contraintes logistiques. C'est pourquoi nous voulons développer les actions mixtes et en mode non-présentiel.

Les méthodes d’analyse des pratiques et de gestion des risques doivent également être soutenues. Les actions cognitives restent majoritaires. L'évaluation des pratiques professionnelles (EPP) ne représente que 7 % des actions et la gestion du risque seulement 0,3 %. Il faudrait valoriser les actions de retours d’expérience.

Enfin nous voulons encourager les innovations technologiques ou organisationnelles. La diffusion de la télémédecine nécessitera bien sûr une adaptation des programmes.

Les offres de DPC restent uniformes et académiques. Ne faut-il pas les adapter ?

Il est souhaitable d'adapter les offres aux différentes étapes de carrière des professionnels, en fonction de leur mode et lieu d’exercice ou du profil de leur patientèle. Ainsi l’entrée dans l’exercice est une étape clé qui nécessite des programmes spécifiques. L’introduction de l’expérience des patients dans les programmes de DPC est un autre enjeu majeur. Il peut être nécessaire de faire intervenir les patients lors de l’élaboration du programme, ou même pendant le déroulé de l’action in fine pour en mesurer l’impact notamment à l’aide de questionnaires adaptés et standardisés.

L’impact du DPC sur la pratique n’est pas mesuré. Allez vous l'évaluer ?

Absolument. Mesurer l'impact des programmes de DPC permet de démontrer l’utilité du dispositif. Mais il faut disposer d'indicateurs supplémentaires à ceux de la ROSP [rémunération sur objectifs de santé publique] ou à ceux des programmes hospitaliers. L’utilisation des données ouvertes du Système national des données de santé (SNDS) par l’Institut national des données de santé (INDS) devrait faciliter ces mesures.

La recertification obligatoire des médecins ne va-t-elle pas complexifier le DPC ?

Nous souhaitons que le futur système de recertification soit le moins contraignant possible pour les médecins et le plus efficace pour la qualité et la sécurité des soins. Le contenu de cette obligation sera plus large que celui du seul DPC, qui lui-même ne se résume pas aux actions financées par l’ANDPC. En tout cas, le DPC sera une des briques d’un cahier des charges élaboré par les conseils nationaux professionnels.

 

Propos recueillis par Loan Tranthimy Exergue : les professionnels se forment encore beaucoup trop en silo

Source : Le Quotidien du médecin: 9683