La course de haies du pouvoir

Macron : la deuxième campagne

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Publié le 19/04/2018
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Macron : la deuxième campagne

Macron : la deuxième campagne
Crédit photo : AFP

Le président a au moins une vertu, à savoir qu'il dit ce qu'il pense, qu'il fait ce qu'il dit et que, ensuite, il assume ses décisions. Les sondages qui ont suivi ses deux prestations télévisées montrent que, si ses concitoyens admirent sa virtuosité, ils n'en demeurent pas moins hostiles à un certain nombre de décisions, parmi lesquelles la hausse de la CSG, qui déplaît souverainement aux retraités. M. Macron a réaffirmé à plusieurs reprises qu'il ne changerait pas d'itinéraire, qu'il ne retirerait aucune des réformes qu'il a lancées, ce qui exprime son indéniable courage, mais n'apporte aucun remède à la crise, finalement profonde et longue, qu'il a déclenchée par son activisme.

Or il ne peut pas poursuivre pendant quatre ans son action dans un climat social qui continue à se dégrader sans que l'on puisse déceler à l'horizon quelques signes d'amélioration. La manière forte a été utilisée à Notre-Dame-des-Landes, mais les zadistes y reviendront sans cesse, ce qui laisse perplexe quant à la pérennité des évacuations. Le conflit à la SNCF se poursuivra jusqu'à l'épuisement d'une des parties en présence, cheminots, gouvernement ou usagers, mais rien ne dit que les salariés de la SNCF jetteront le gant. La situation des hôpitaux et des EHPAD devient critique, le président promet d'intervenir pour alléger les souffrances des patients en révisant la tarification à l'activité ; il est néanmoins évident que cette autre réforme (une de plus) prendra du temps et que le système de soins risque de s'effondrer entretemps. Les étudiants et les quelques meneurs ou provocateurs qui les accompagnent continuent d'occuper des locaux universitaires. Enfin, le débat à l'Assemblée sur la loi asile-immigration menace de scinder la majorité, car nombre d'élus de la République en marche sont hostiles à un texte qu'ils jugent liberticide, sans trop se demander pourquoi le populisme a triomphé en Allemagne, en Italie et en Hongrie.

La haine qu'il inspire

Le chef de l'État déclare qu'il ne croit pas à la convergence des luttes, mais il a sur les bras une infinité de crises dont les multiples oppositions font leurs choux gras, avec l'aide des médias, contents de décrire une situation catastrophique, ce qu'elle n'est pas. La violence des critiques, la réputation détestable que l'on veut à tout prix donner à ce président qui n'a jamais froid aux yeux et le fait savoir, la haine palpable qu'il inspire à nombre de personnalités politiques lui commanderaient d'infléchir sa politique s'il avait ouvert la porte à une révision de ses réformes. Il n'en est rien et ce que cela dit de la suite des événements, c'est que le premier qui cèdera sera celui qu'aura terrassé une crise de nerfs. Et ce pourrait être le pouvoir.

Il n'empêche qu'Emmanuel Macron a apporté au cours des deux entretiens la cohérence que l'opinion exigeait de lui. Elle peut continuer à le désavouer, elle ne peut pas dire qu'il ne sait pas où il va. Il a choisi de se battre, même s'il n'y a plus personne pour admirer son courage et si le public et les médias s'abandonnent à une consternation masochiste : ils peuvent dire tout le mal qu'il pense de M. Macron, ils oublient qu'il a un mandat de cinq ans et que nous n'en sommes même pas au premier anniversaire. Emmanuel Macron compte visiblement sur le temps, la patience, les vacances pour passer le cap d'une crise  dont il a sans doute prévu l'ampleur, notamment quand il a rappelé combien ce pays hait les réformes. C'est si vrai que, si le peuple n'a pas bronché quand le candidat Macron les a annoncées, il les a rejetées quand le président du même nom les a engagées.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9658