Quoique cet expert du système de soins ait plutôt œuvré dans l’ombre ces 30 dernières années, c’est un nom qui est familier aux décideurs du secteur de la santé. Et c’est donc lui, Didier-Roland Tabuteau, qu’Emmanuel Macron a finalement nommé la semaine passée à la tête du Conseil d'État : une institution qui est une originalité française, à la fois haute juridiction administrative et conseil des pouvoirs publics, tous les projets de loi et les décrets les plus importants devant faire l’objet d’un examen des juristes du Palais Royal. La fonction est aussi prestigieuse qu’opérationnelle, faisant de son titulaire le premier fonctionnaire de France. Et le choix de l’Élysée a surpris tout le monde, tant il semble que personne, dans le sérail politico-administratif, n’avait parié sur cet X-ENA de 63 ans, qui, n’était même pas candidat.
Le poste va, pour la première fois de sa carrière, éloigner des questions sociales cet ancien dircab de Bernard Kouchner et de Martine Aubry, qui fut aussi le premier directeur de l’Agence du médicament et l'inspirateur de la réforme de 2002 sur les droits des malades. Pourtant, cette promotion doit visiblement beaucoup — outre l’intégrité et les compétences de l’intéressé — aux dossiers qui l’ont mobilisé ces derniers mois sur fond de Covid à la commission sociale du Conseil d’État, qu'il présidait. Depuis 2020, plusieurs centaines de textes en matière de sécurité sanitaire ont été soumis à la vénérable institution, souvent dans des délais très brefs. Et il lui a fallu aussi faire face à l'inflation des référés, déposés par des citoyens, associations ou professionnels contestant la gestion de la pandémie.
Dans ce contexte, le choix du chef de l’État en dit long sur la place prise par la crise sanitaire dans la société. Déjà, il y a 18 mois, n’était-il pas allé chercher un autre grand commis de l’État, lui aussi expert des questions sanitaires, en nommant à Matignon celui qui était à l'époque le « Monsieur déconfinement » ? Faut-il voir dans ces recours au vivier sanitaire le signe que les impératifs de santé guident toute l’action publique désormais ? En pleine cinquième vague, alors que près de 2 millions de nouvelles contaminations hebdomadaires sont constatées, cela ne fait guère de doute. Que la décision soit prise avenue de Ségur, à Bercy, rue de Grenelle ou Place Beauvau, le facteur pandémie motive la plupart des politiques du moment. Et cette logique, à l'œuvre depuis deux ans, tend à s’accentuer, alors qu’en ce début 2022, les pays du Vieux continent s’interrogent sur l’opportunité d’imposer obligation ou passe vaccinal à leurs concitoyens. Le Sars-CoV-2 s’est aussi invité dans la campagne présidentielle. C’était inévitable, mais cela n'assure pas que les soignants obtiennent dans les programmes la place qu'ils méritent. On parle beaucoup de santé actuellement, mais souvent dans une logique à court terme.
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes