Texte controversé, la loi Le Roux adoptée fin 2013 avait étendu aux mutuelles la possibilité déjà offerte aux assurances et aux institutions de prévoyance de pratiquer un remboursement différencié selon que le professionnel de santé consulté (dentiste, opticien ou audioprothésiste mais pas médecin) est affilié ou pas à un réseau.
Le député « Les Républicains » du Pas-de-Calais, Daniel Fasquelle, a annoncé son intention de s’attaquer à ces réseaux de soins conventionnés. Même si son initiative a peu de chances d’aboutir, le maire du Touquet déposera dans les prochains jours une proposition de loi (PPL) en ce sens. « Ces réseaux mis en place au nom de la justice créent en réalité de l’injustice, juge Daniel Fasquelle. Ils entraînent une fracture dans l’accès aux soins des Français. C’est un système qui coûte cher et qui remet en cause l’indépendance des professionnels de santé et la liberté de choix des patients. »
Plus dangereux que le tiers payant ?
S’appuyant sur un rapport de l’économiste Frédéric Bizard, enseignant à Sciences-Po, le parlementaire affirme surtout que les réseaux n’ont pas permis d’améliorer l’accès aux soins.
La France reste, selon l’IRDES, le deuxième pays européen ayant le taux de renoncement le plus élevé pour des raisons financières (15,4 % de la population), principalement pour les soins d’optique et de dentaire. « Les réseaux de soins sont un danger bien plus grand que le tiers payant généralisé », affirme le parlementaire.
L’expérience des réseaux fermés aux États-Unis plaide pour leur suppression, argue Frédéric Bizard. « N’agissant pas en amont des maladies ni sur les comportements des patients, ils se traduisent par une hausse de la consommation des soins et des médicaments, assène l’économiste. La maîtrise des dépenses n’est pas durable et leur effet est fortement inflationniste sur le long terme. »
Meilleur remboursement et pression sur les prix
Cette offensive interpelle la Mutualité française qui ne fait pas mystère de sa volonté de développer cette contractualisation. « Plusieurs rapports de la Cour des comptes ou de l’IGAS-IGF plaident pour la création des réseaux de soins, souligne le Dr Jean-Martin Cohen-Solal. Il y a consensus pour dire qu’ils présentent un intérêt pour le professionnel et l’adhérent en offrant un meilleur remboursement dans des secteurs où l’assurance-maladie est peu présente. » Le délégué général de la Mutualité réfute les affirmations du rapport. Contrairement au système américain de type HMO, les réseaux de soins laissent aux patients et aux professionnels le choix d’adhérer ou pas. Et ils ont déjà permis d’améliorer l’accès aux soins, assure-t-il.
Selon un sondage CSA réalisé pour la Mutualité en juin dernier, 63 % des utilisateurs des réseaux estiment précisément que leur reste à charge a diminué. « Le reste à charge d’un assuré dans le cadre d’un réseau diminue en moyenne de 140 euros en dentaire, de 65 euros en optique et de 390 euros en audioprothèse », précise Jean-Martin Cohen-Solal. La FNMF estime même que deux milliards d’euros pourraient être économisés chaque année si tous les Français avaient accès à des réseaux de soins dans ces trois secteurs.
La profession en alerte
Les patients ne sont pas hostiles au principe des réseaux de soins mais souhaitent a minima une stabilité des cotisations. Juste avant le vote de la loi Le Roux, le Collectif interassociatif sur la santé (CISS, usagers) jugeait les organismes complémentaires « légitimes » à créer de tels groupements conventionnés « puisqu’ils financent la dépense quasiment depuis le premier euro dans le dentaire, l’optique et l’audioprothèse. »
Les professionnels de santé, eux, sont extrêmement réticents. L’UJCD vient de demander à la justice d’ordonner la dissolution de Santéclair, considérant que « l’indépendance professionnelle des chirurgiens-dentistes » était aliénée. La CNSD avait déjà porté plainte en mai devant l’Autorité de la concurrence contre Santéclair, estimant que la société menait une « politique de dénigrement à l’encontre des chirurgiens-dentistes non affiliés à son réseau. » Quant aux médecins et aux internes, ils s’étaient fortement mobilisés en 2012 et 2013 pour que la profession échappe aux réseaux de soins des mutuelles.
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