Des médecins devant la justice pour avoir opéré une personne intersexe ? L'image relève encore du registre de l'anticipation, mais ce pourrait être l'une des issues d'une procédure inédite lancée en mai 2016 par une personne intersexuée, prénommée Camille dans les médias, 38 ans, infirmier, et militant intersexe. La procédure a été lancée peu avant que le délai de prescription n'expire (20 ans après la majorité de la victime, dans ce cas).
Quatre médecins et deux hôpitaux
Camille a déposé plainte à Clermont-Ferrand contre X pour « violences volontaires sur mineur ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente » avec constitution de partie civile. Selon les informations du journal « 20 minutes », elle reproche à quatre médecins, et deux hôpitaux, de lui avoir fait subir entre 3 et 7 ans, 7 opérations de « réassignation », sans le consentement éclairé de ses parents.
Une information judiciaire a été ouverte, au cours de laquelle devraient notamment être auditionnés le personnel soignant et l'entourage ; le dossier médical devrait être saisi, la notion de « consentement éclairé » approfondie… Le juge d'instruction devra certainement ordonner ensuite une expertise médicale. Joint par le « Quotidien », le procureur de Clermont-Ferrand Éric Maillaud insiste sur la complexité de l'affaire, qui pourrait s'avérer longue. Elle pourrait aboutir soit à un non-lieu (contestable devant la Cour européenne des droits de l'homme), soit au renvoi des praticiens devant une cour d'assises.
Cette procédure s'inscrit dans un mouvement plus large de reconnaissance des personnes « intersexes » (selon les associations) ou « concernées par les variations du développement sexuel » (selon les termes du Défenseur des droits, inspirés de la commission suisse d'éthique) - les médecins parlant eux, d'anomalies, ou de troubles du développement génital. Les sénatrices Corinne Bouchoux et Maryvonne Blondin y avaient consacré en mars 2017 un rapport mettant en lumière toutes les ambiguïtés et contradictions de la prise en charge, certaines associations voyant dans les opérations des mutilations et tortures pratiquées par une médecine normalisatrice méritant réparation, tandis que médecins et d'autres patients les jugent salvateurs. Depuis ce rapport, rien a bougé en France faute de volonté politique, déplore l'avocate Me Mila Petkova, qui défend notamment Camille.
Un recours contre le refus du sexe neutre par la France
L'avocate défend une autre personne intersexe, Gaetan (prénom d'emprunt), qui plaide pour la reconnaissance d'un sexe neutre à l'état civil. Après le rejet de sa demande auprès de la Cour de cassation en mai dernier, (au terme d'une procédure commencée en 2015), son avocate Me Petkova a formé un recours contre cette décision devant la Cour européenne des droits de l'homme, a-t-elle indiqué au « Quotidien ».
À l'international, le comité contre la torture de l'ONU en mai 2016 et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, en octobre 2017 ont pris position contre des actes chirurgicaux « de normalisation sexuelle sans nécessité vitale ». Quant à la reconnaissance d'un sexe neutre, l'Allemagne pourrait être le premier pays européen à franchir le pas (après l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Inde ou le Népal), en 2018.
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