Lorsque Jean-Martin Charcot décède le 16 août 1893 dans la Nièvre, à 67 ans, son corps est rapatrié pour être exposé, selon son souhait, dans la nef centrale de l’église Saint-Louis sise dans l’enceinte de la Pitié-Salpétrière, où, trente ans durant, il exerça son art auprès des vieillards et des infirmes, puis des « hystériques ».
Hommage. C’est dans cette même église que son œuvre prend vie à travers l’exposition orchestrée par deux psychiatres, Catherine Bouchara, qui pratique l’hypnose dans le service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et en libéral, auteure du livre « Charcot, une vie avec l’image »*, et le Pr David Cohen, chef de ce service, et scénographiée par Philippe Pumain, architecte (le responsable de la réhabilitation du cinéma le Louxor à Paris).
On y découvre à travers les dessins que Catherine Bouchara a retrouvé dans la maison de campagne gardée par la petite fille de Charcot une plume, un trait de crayon et un œil au service d’une science naissante, la neurologie. Car c’est en dessinant des corps d’hommes et de femmes prostrés, des mains et des pieds déformés par les crises et contractures, que Jean-Martin Charcot forge ses armes pour comprendre les maladies psychiques.
Dès avant sa nomination à la Salpêtrière, en 1862, le professeur d’anatomie pathologique croque les corps. Sa rencontre en 1870, lors de la guerre contre la Prusse, avec 150 femmes décrites comme hystériques, est décisive dans sa pratique de l’hypnose. « Si j’ai eu des médecins dans mes ancêtres, j’ai eu aussi quelques peintres », écrit-il, comme pour s’expliquer son don pour l’image. « Le dessin est une prépartition », dit-il encore, trahissant sa sensibilité aussi à la musique.
L’un des points d’orgue de l’exposition pourrait être le schéma de l’inconscient, tracé par Charcot en 1892 avant la première topique de Freud. Mais il ne saurait occulter les fantaisies plus intimes dont l’homme décore ses missives à sa femme. Tantôt absurdes ou étranges (une toile d’araignée remplace les cordes d’une harpe, les attributs d’un oiseau subvertissent un visage), tantôt poétiques, esquisses d’une visite à Madrid ou d’une ballade dans les rues d’Alger ou de Tetouan, ces croquis témoignent de l’insatiable curiosité de Charcot qui ira même plonger aux sources de l’anthropologie. « Nous avons voulu livrer une nouvelle approche plus large, transdisciplinaire, alliant science et art, de Charcot. C’était un érudit et un homme libre », explique la commissaire Catherine Bouchara.
Dialogues et échos
Dans la nef Mazarin, symétriquement opposée à celle qui accueille les dessins de Charcot, le visiteur croise le regard des « Fous d’Abidjan », photographiés par Dorris Haron Kasco, en écho à la possédée noire du XIXe siècle ; le mystère de « la chambre jaune » de l’artiste haïtien Mario Benjamin ; les contorsions des « Extases » d’Ernest Pignon-Ernest, réinstallées dans le lieu où l’artiste les a pensées, la chapelle de la Vierge, proches de celles des « hystériques » de Charcot. Aujourd’hui, les malades ont leur mot à dire : ainsi sont exposées les œuvres des adolescents du service de psychiatrie du Pr Cohen ou des malades atteints d’Alzheimer.
Au centre, une installation du Pr Cohen et du sculpteur Renato Bonetti, met en scène le spectre de Charcot non loin de son fauteuil, entre oliviers bleus et couronnes mortuaires. « C’est un dialogue entre les matières (bois, cuivre, férail, marbre), les couleurs, (du blanc au bleu), avec les malades, et avec Charcot », explique le Pr Cohen, qui reconnaît que son œuvre est symboliquement un pied de nez. « Charcot a connu une polémique avec les académiciens en travaillant sur l’hypnose. On m’attaque sur le packing. Le spectre de Charcot que j’ai réalisé est une peau de cuir que j’ai entourée autour d’un buste ».
« Charcot, une vie avec l’image », du 12 mai au 9 juillet 2014, église Saint-Louis. 83 boulevard de l’hôpital.
*Ed Philippe Rey, 2013.
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