« Enfin on est vus, enfin on est entendus. Cela fait 5 ans qu'on criait un peu dans le désert », a réagi Marine Martin, présidente de l'Association d'aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anticonvulsivant (APESAC), saluant les premiers résultats de l'étude sur la Dépakine diffusés mercredi 24 août par le ministère des Affaires sociales et de la Santé. « Le chiffre de 14 322 grossesses exposées à la Dépakine et ses dérivés en 7 ans confirme les dégâts considérables qui ont été causés par ce médicament. Le nombre réel de victimes est cependant bien supérieur à ces estimations, si l'on tient compte des autres antiépileptiques et de toutes les naissances intervenues avant 2007 », a-t-elle déclaré.
Des résultats attendus sur 8 700 enfants exposés in utero
Les résultats du second volet de l'étude, portant sur 8 701 enfants nés vivants entre 2007 et 2014 après avoir été exposés in utero au valproate, seront communiqués « fin décembre, début janvier », a indiqué Dominique Martin, le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Il a du reste confirmé que l'agence procédait à « un suivi renforcé » de tous les antiépileptiques et d'une dizaine d'antipsychotiques afin de déterminer s'ils ont pu avoir des effets indésirables similaires. Les résultats d'une étude observationnelle auprès de quelque 400 officines sur la délivrance de ces médicaments, demandée à Sanofi et au Conseil national de l'ordre des pharmaciens (CNOP) seront diffusés d'ici à la fin du mois de septembre, a-t-il également affirmé.
Les effets tératogènes de ce médicament et ses dérivés sont connus depuis le début des années 1980. Des malformations congénitales ont été documentées entre 1982 et 1990 et, à partir des années 2000, des troubles neurologiques et du spectre autistique chez des enfants exposés in utero. Depuis 2011, des preuves formelles ont été apportées sur l'existence de troubles neurodéveloppementaux liés au valproate et depuis 2013, le lien avec des troubles du spectre autistique (5 à 6 fois plus fréquents que dans la population générale) est confirmé.
Un « scandale d'État » pour l'APESAC
Marine Martin, la présidente de l'Association d'aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anticonvulsivant (APESAC) n'hésite pas à parler de « scandale d'État ». Elle s'en prend à Sanofi, fabriquant de la Dépakine, évoquant de la part du laboratoire « un silence total et le mépris des victimes ». Le Dr Pascal Michon, directeur médical et porte-parole du groupe pharmaceutique, a assuré, quant à lui, mercredi sur « France Info », que « toutes les informations nécessaires » avaient été données aux autorités de santé. « Depuis plus de 30 ans figure, dans les documents d’information à destination des médecins et des patients, le risque concernant les malformations congénitales et depuis plus 10 ans figure le risque concernant les retards de développement », a-t-il insisté.
Mais si les risques sont connus depuis longtemps, « il y a eu un défaut de précaution pendant très longtemps et sans doute une insuffisance d'information » admet Dominique Martin. De fait, les résultats rendus en février dernier par une étude de l'Inspection générale de la santé (IGAS) mettent en cause l'organisation de notre système de pharmacovigilance. Si dès 2004, des mesures d'information à l'attention des prescripteurs et des patients sont prises en Allemagne, au Royaume-Uni, en Belgique ou en Irlande, la France attend 2006 pour faire mention dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) des retards de développement. Alors que Sanofi le proposait dès 2003. La spécification des risques dans la notice destinée aux patients n'apparaît qu'en 2010. Quant aux génériques, les notices et RCP ne sont actualisés qu'en juin 2015.
Non à la comparaison avec le scandale du Médiator !
En tout état de cause, le directeur général de l'ANSM refuse toute comparaison avec le scandale du Médiator, comme il l'a rappelé ce jeudi 25 août sur « Europe1 » : « La Dépakine est un médicament essentiel, ce n'était pas le cas du Mediator. Dans certaines situations, on doit encore l'utiliser la Dépakine, y compris si la femme est enceinte », ajoutant que « depuis 2013, les autorités de santé ont mis en place beaucoup de choses, des mesures importantes de prescription et de délivrance qui sont extrêmement contraignantes. Ma préoccupation majeure est que ces mesures soient entendues et mises en œuvre ».
De son côté, Marine Martin a annoncé que l'APESAC poursuivra son travail avec le gouvernement concernant les mesures de prévention et d’accompagnement des familles victimes : diffusion de l’information, formation des professionnels de santé, reconnaissance de la pathologie par les administrations publiques, mise en place de centres de diagnostic, création d’un logo d’alerte à apposer sur les boîtes de médicaments. Dans ce cadre, l’APESAC a sollicité que la prise en charge médicale, scolaire et humaine des victimes soit totale. L’association travaillera du reste avec le ministère sur la mise en place du dispositif d’indemnisation annoncé pour toutes les victimes quelle que soit leur date de naissance. « Ce mécanisme d’indemnisation spécifique ne sera pas de nature à empêcher la tenue d’un procès pénal ni des procédures civiles d’indemnisation », précise toutefois l'association.
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