Mastocytose systémique avancée

Efficacité de la midostaurine dans un essai ouvert de phase 2

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Publié le 07/07/2016
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« Les formes avancées de la mastocytose systémique, qui sont des cancers sanguins caractérisés par l’accumulation de mastocytes anormaux dans la moelle osseuse et d’autres organes, représentent un groupe de maladies orphelines pour lesquelles il existe un énorme besoin médical non satisfait », explique au « Quotidien » le Dr Jason Gotlib, de l’université de Stanford (États-Unis), qui a dirigé l’étude internationale publiée dans le « New England Journal of Medicine ». L’étude a été financée par Novartis.

« Environ 90 % des patients hébergent la mutation acquise KIT D816V, une mutation activante du récepteur tyrosine-kinase à la surface des mastocytes qui est le principal moteur de la maladie. Un seul médicament est approuvé pour les patients ayant une forme de mastocytose systémique avancée, appelée mastocytose systémique agressive (MSA). Ce traitement est l’imatinib (Gleevec), mais il est seulement autorisé pour les patients qui n’ont pas la mutation KIT D816V ou dont la mutation KIT est inconnue car la mutation KIT D816V est résistante à l’imatinib. En conséquence, imatinib n’est utile que chez 10 % des patients environ », précise le Dr Jason Gotlib.
D’autres médicaments utilisés « hors indication », comme l’interféron-alpha et la cladribine, montrent une certaine activité « mais leur évaluation à ce jour s’est principalement limitée à des petites séries de cas, généralement rétrospectives et incluant des populations mixtes de patients atteints de mastocytose systémique, certains ayant une maladie au stade précoce sans lésion d’organe (mastocytose systémique indolente) et d’autres avec une forme avancée, comme dans notre étude, avec une ou plusieurs lésions d’organes », poursuit le spécialiste.

Inhibiteur de multikinases

La midostaurine est un inhibiteur de multikinases, actif sur la kinase KIT normale mais aussi sur la KIT D816V. Les lignées cellulaires transformées par la mutation KIT D816V peuvent être inhibées à des concentrations relativement faibles de midostaurine.
« Les résultats in vitro nous ont amené à traiter en 2005 un patient qui était sur le point de mourir d’une leucémie à mastocytes, une forme avancée de mastocytose systémique (MS) ; nous lui avons donné la midostaurine à titre compassionnel. Ce patient a eu une réponse partielle encourageante qui a duré quelques mois (Gotlib et coll., Blood 2005) », souligne le Dr Gotlib. L'équipe a alors décidé de conduire une étude à Stanford, incluant des données supplémentaires du Dana Farber Institute et de la Washington University à St Louis. « Cet essai sur 26 patients avec MS avancée a montré une résolution partielle ou complète des lésions d’organe chez 69 % des patients, avec en outre baisse du pourcentage des mastocytes dans la moelle osseuse et baisse du taux sérique de la tryptase, un marqueur clé du fardeau de la maladie », souligne le chercheur.

L'étude internationale ouverte de phase II publée dans « NEJM », a été réalisée chez 89 patients avec MS avancée : 16 ayant une forme agressive, 57 ayant une forme associée à un cancer hématologique et 16 ayant une leucémie à mastocytes. Une résolution partielle ou complète des lésions d’organes a pu être obtenue par la midostaurine (100 mg par voie orale 2 fois par jour) chez 60 % des patients. « Ces améliorations portent par exemple sur l’anémie et la thrombopénie (nécessitant ou non des transfusions), les tests hépatiques fonctionnels, et la perte de poids. De surcroit, parmi 39 patients ayant eu une évaluation initiale de la rate par IRM ou CT, 77 % (n = 30) ont montré une réduction de la splénomégalie. Ces réponses ont duré en moyenne un peu plus de 2 ans », précise le Dr Gotlib. Le taux des mastocytes dans la MO et le taux sérique de la tryptase ont baissé d’au moins 50 % chez la majorité des patients (78 %).

Survie améliorée

La midostaurine est cliniquement active dans la forme la plus avancée de MS, la leucémie à mastocytes, qui est rapidement fatale. La moitié (50 %) des patients (8/16) ont répondu. Alors que la survie est typiquement inférieure à 6 mois, la survie médiane des 16 patients est de 9,4 mois ; de plus, la survie médiane des répondeurs n’était pas atteinte lors de l’analyse des données. Les symptômes et la qualité de vie sont améliorés (à l’exception de la nausée et des vomissements, deux effets secondaires connus de la midostaurine, atténués par la prise de midostaurine durant le repas). Une analyse post-hoc montre une survie allongée chez les répondeurs par rapport aux non-répondeurs.

« Mon prochain objectif est d’evaluer la midostaurine à un stade plus précoce de la maladie, chez les patients ayant une MS indolente et dont les symptômes médiateurs sont réfractaires aux traitements - antihistaminiques, antagonistes des leucotriènes, stabilisateurs des mastocytes, ou autres traitements anti-médiateurs », confie le Dr Gotlib qui ajoute que le Dr Hanneke Kluin-Nelemans a débuté une telle étude aux Pays-Bas. « Il sera intéressant d’evaluer la midostaurine en combinaison avec d’autres agents comme la cladribine, ainsi que dans le cadre de la transplantation de cellules souches (avant et après) pour améliorer les taux de réponse et la survie à long-terme », conclut-il.

NEJM 30 Juin 2016, Gotlib et coll.

Dr Veronique Nguyen

Source : Le Quotidien du médecin: 9511