La prise en charge des patients atteints de « Maladies d’Alzheimer et apparentées » (MAMA) et de leurs proches ne se résume pas à une prescription médicamenteuse. Il y a 20 ans, les médecins généralistes ont accueilli avec intérêt les traitements d’une maladie qui concerne plus d’un million de patients. C’était un espoir justifié face aux enjeux cliniques et à l’augmentation de la population âgée dans nos sociétés.
L’efficacité de ces traitements s’appuyait sur l’amélioration de critères intermédiaires, l’échelle ADAS-Cog ou le MMSE, avec une faible taille d’effet. Niveau de preuve faible en absence d’analyse en intention de traiter, du nombre de perdus de vue, et d’une durée d’observation courte de 6 mois. L’AMM a été accordée sur ces études, en attendant d’autres molécules cliniquement plus efficaces.
Aucune réponse satisfaisante n’a été apportée à des questions qui restent essentielles aujourd’hui. Quelle est l’efficacité de ces traitements sur la durée de vie ? L’évolution à moyen et long terme de la maladie ? L’institutionnalisation ? L’impact sur l’entourage et les soignants ? La prescription d’anti-psychotiques ?
Des traitements de peu d'effets
Les conclusions de la HAS de 2016 détaillées dans le rapport du Pr Michel Clanet restent d’actualité : « La pertinence clinique des effets des médicaments sur les tests psychométriques reste toujours hypothétique. Les données disponibles ne permettent pas de conclure à un effet significatif sur les troubles du comportement, la qualité de vie des patients ou des aidants ... Aucun effet sur la morbi-mortalité n’est établi. L’efficacité au-delà de 1 an de traitement n’est pas établie alors que ces médicaments sont prescrits au long cours et le retard à l’entrée en institution des patients n’est pas établi… ces médicaments peuvent altérer la qualité de vie (effets digestifs et neuropsychiatriques) et/ou être à l’origine de complications parfois graves (syncopes, chutes, réactions cutanées sévères). Compte tenu de l’absence d’argument en faveur d’une pertinence clinique des effets versus placebo dans les études disponibles, du risque avéré d’effets indésirables et d’interactions médicamenteuses chez des patients âgés et souvent polymédiqués, la Commission considère que ces médicaments n’ont plus de place dans la stratégie thérapeutique. »
Le Collège de Médecine Générale, dès 2016, s’appuyait sur la conclusion de la HAS, qui corroborait les observations cliniques des médecins généralistes au contact des patients. L’observation dans la vraie vie confirme le peu d’effet des « traitements spécifiques » dans un contexte de poly-médication chez des patients poly-pathologiques. On ne peut garder que les médications dont le rapport bénéfice risque est favorable et dont l’association est acceptable.
Les patients atteints de démence à corps de LEWY pourraient bénéficier des anticholinestérasiques en raison d’un déficit plus prononcé en acétylcholine. La récente méta-analyse de Knight montre en effet une amélioration du MMSE de 2.11 à 6 mois dans la démence à corps de Lewy contre 0.91 dans la maladie d’Alzheimer. Aucun des médicaments concernés n’a l’AMM dans cette indication. Les prescriptions hors-AMM sont non remboursables. Le déremboursement n’influera donc pas sur cette pathologie. Il faut savoir que le médecin n’est pas protégé par son assurance Responsabilité civile professionnelle lors de prescription hors-AMM, même en cas de renouvellement d’un traitement prescrit initialement par un tiers.
Aucune perte de chance pour les patients
On évoque aussi le risque d’une iniquité sociale, ces médicaments « continuant à être prescrits puisque autorisés », permettant aux seuls patients en ayant les moyens, de les utiliser. Le débat porte sur le rapport bénéfice clinique/risque des médicaments dans l’indication de la maladie d’Alzheimer. Les patients sans traitement sont bien traités. Il n’y a aucune perte de chance pour les patients non traités.
Il faut rassurer les associations de patients pour qui le déremboursement peut être vécu comme un signe d’abandon, avec la perte de l’effet structurant des médicaments et de l’ordonnance. L’effet structurant des alternatives médicamenteuses n’est pas inférieur et l’ordonnance ne se résume pas à la prescription de médicaments.
Les mesures non médicamenteuses appropriées proposées par les médecins qui accompagnent les patients et leur famille auront un effet positif global. Il faudra veiller à faciliter la mise en œuvre en soins primaires des interventions non médicamenteuses pour les patients ayant des troubles neuro-cognitifs, en améliorant leur visibilité pour les médecins généralistes.
Au total, le Collège de la Médecine Générale considère cette évolution comme positive. Nous souhaitons que les ressources soient allouées au champ psycho-social au bénéfice des patients et de leurs aidants. Nous allons poursuivre nos travaux dans ce sens.
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