LE DIAGNOSTIC 2009/2010 de l’Observatoire de Médecins du monde indique que « la crise économique et les politiques de sécurité et d’immigration menées par le gouvernement aggravent la situation sanitaire de ceux qui ont le moins accès aux soins ». D’après le recueil des 21 CASO de l’association, en 2009, 40 341 consultations médicales ont été assurées auprès de 25 863 personnes différentes. C’est une augmentation de 6 % en un an et de 17 % en 2 ans. Une tendance qui affecte particulièrement les jeunes : 68 % des consultants ont moins de 40 ans, avec un âge moyen 33 ans ; 12 % sont mineurs, en augmentation de 30 % en un an. Plus de la moitié (50,6 %) sont âgés de moins de 7 ans, 26,5 % ont entre 7 et 12 ans et 23 % entre 13 et 17 ans.
Les CASO reçoivent en très grande majorité (90 %) des étrangers, qui proviennent de 153 pays différents, la Roumanie restant la première origine nationale, devant les pays du Maghreb. Le profil socio-économique de ces patients est toujours marqué par la précarité et des conditions de vie difficiles : 46 % vivent dans un logement précaire, 14 % sont sans domicile fixe, 10 % des mineurs vivent à la rue. Cependant, trois personnes sur dix déclarent exercer une activité, la quasi-totalité des consultants (98 %) vivant en dessous du seuil de pauvreté (908 euros mensuels pour une personne seule). Et une tendance que le précédent bilan pressentait comme un effet de la crise économique commence à être visible dans certains centres, avec l’arrivée de personnes qui disposent de ressources trop importantes pour bénéficier de la CMU complémentaire mais n’ont pas les moyens de souscrire à une mutuelle.
Recours tardifs aux soins.
Bien sûr, ces déterminants sociaux influent sur l’état de santé des personnes rencontrées. Car 22 % des patients ont recouru aux soins de façon tardive. Le phénomène enregistre une hausse marquée par rapport aux années précédentes (11 % en 2007, 17 % en 2008). Ces recours tardifs sont majorés pour les personnes sans domicile (26 %), ainsi que pour les étrangers en situation irrégulière (26 % également). Au passage, MDM note que c’est la preuve que ces derniers, à l’encontre des arguments jusitifiant une participation financière forfaitaire à l’entrée du dispositif AME (Aide médicale d’État), n’abusent pas du système. Dans près de la moitié des consultations où un diagnostic a été posé, les patients nécessitent une prise en charge sur une durée d’au moins six mois : hypertension et diabète, ou encore certaines pathologies du système locomoteur et les syndromes dépressifs, avec 12 % de patients qui présentent une pathologie psychologique ou psychiatrique. Le suivi des grossesses est aussi préoccupant : 11,5 % des consultantes étaient enceintes, 60 % d’entre elles vivant dans un logement précaire et près de la moitié accusaient un retard de suivi de grossesse.
Les prévalences élevées du VIH (3,07 %, soit 14,5 fois la moyenne nationale), de l’hépatite B (Ag Hbs+) (6,87%, soit 10,5 fois la moyenne), ainsi que du VHC (6,14 %, soit 7 fois la moyenne nationale) montrent à quel point les populations qui viennent dans les CASO sont exposées aux risques des pathologies infectieuses.
Or, bien que, théoriquement, 77 % des consultants relèvent d’un dispositif de couverture maladie (52 % de l’AME, 24 % de l’assurance-maladie et 2 % d’un autre système de couverture européen), dans les faits, 84 % des personnes qui se présentent la première fois ne disposent d’aucune couverture ; selon le rapport de l’Observatoire, c’est l’absence de domiciliation qui constitue encore le principal obstacle à l’accès aux droits, la plupart des CCAS (comités communaux d’action sociale) posant des conditions restrictives, voire rédhibitoires pour remplir leur mission de domiciliation. La barrière linguistique, les difficultés financières ainsi que le contexte répressif, avec la peur des arrestations qui limite les déplacements, constituent autant d’autres freins pour procéder aux démarches d’inscription.
Triple peine.
Dans ces conditions de « dégradation brutale », Médecins du Monde met en place des réponses habituellement utilisées à l’international, en situation d’urgence humanitaire, affirme le rapport : à Saint-Denis en 2009, MDM a installé un camp en urgence dans la nuit pour des familles roms sans abri, à Calais, l’association distribue régulièrement du matériel de survie aux migrants, à Dunkerque, elle essaye d’améliorer l’hygiène et l’accès à l’eau potable en installant latrines, douches et citernes. Selon la conclusion du rapport, les populations rencontrées dans les CASO sont souvent soumises à « une triple peine : exclues, premières victimes de la crise et désormais cibles désignées des politiques sécuritaires ».
› CHRISTIAN DELAHAYE
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