Flairer précisément l'odeur de la vie pour sauver au plus vite les survivants, identifier l'odeur de la mort pour retrouver les cadavres enfouis : tel est l'un des principaux challenges qui se jouent pour les équipes de secours en cas de catastrophe. Et l'instrument le plus pointu à ce jour pour réaliser cette performance reste l'odorat des chiens. Un outil qui fait également preuve d'une efficacité remarquable dans la police judiciaire en termes d'identification des personnes. Deux récentes publications en témoignent.
La première, australienne, présentée dans la revue « Heliyon »*, émane du Centre médico-légal de l'université de technologie de Sydney qui s'est penché sur les particules odorantes de la décomposition des corps. Les chercheurs ont caractérisé 105 composants organiques volatils associés à « l'odeur de la mort ». Ces composants ont été identifiés par chromatographie en phase gazeuse bidimensionnelle au cours des 72 premières heures de décomposition de cadavres de porcs, des animaux physiologiquement proches des humains.
À la 43e heure s'installe l'odeur de mort
Les scientifiques ont notamment observé un changement radical de la composition odorante autour de la 43e heure après la mort. Comme si celle-ci marquait le seuil de basculement entre une odeur caractéristique ante mortem et une autre post mortem. « Nous espérons que ces travaux permettront aux équipes de secours d'optimiser leur temps d'intervention lors des catastrophes », déclare Prue Armstrong, l'auteur principal de cette étude. Il estime que ces résultats pourraient conduire notamment à une plus juste répartition sur le terrain entre les chiens dressés pour la recherche des survivants et ceux formés à retrouver des cadavres. Car ce sont en effet deux types d'effectifs canins qui interviennent parallèlement lors des catastrophes.
Jusqu'à 90 % de réussite dans l'identification des humains
De leur côté, les fins limiers canins de la police française ont vu leur compétence scientifiquement reconnue, par la publication dans « Plos One »**, d'une étude réalisée par le Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CNRS/Université Claude-Bernard Lyon 1/INSERM). Celle-ci porte sur les données, consignées depuis plus de douze ans par la sous-direction de la police technique et scientifique (SDPTS) d’Ecully, sur les performances des chiens face à une tâche d’identification d’odeurs humaines. Résultats : au terme d’un programme d’entraînement de 24 mois, les chiens parviennent à reconnaître l’odeur d’une même personne dans 80 à 90 % des cas. Et ce, sans jamais la confondre avec une autre.
Ces travaux valident les procédures appliquées et la fiabilité de l’odorologie ou science des odeurs, une méthode utilisée depuis 2003 en France par les services de la police judiciaire, pour démontrer la présence d’un individu sur une scène de crime. Elle repose sur le fait que l’odeur humaine est propre à chaque individu, et sur l’incroyable odorat des chiens, dont la sensibilité peut être de 200 à 10 000 fois plus grande que celle de l’homme.
Concrètement, il s'agit de faire comparer, à des chiens spécialement entraînés, une odeur prélevée sur un objet de la scène d’infraction à celle de plusieurs individus parmi lesquels se trouve l’odeur d’un suspect ou d’une victime. Les résultats de ces tests sont déterminants pour les enquêteurs car ils peuvent servir comme éléments de preuve. Ils doivent donc résulter d’études fiables et reproductibles. Or, jusqu’à maintenant, il n’existait aucun standard international concernant l’entraînement des chiens ou leur inclusion dans les enquêtes.
Les bergers allemands ont le flair le plus infaillible
L’analyse des données obtenues avec les 13 chiens de la SDPTS depuis 2003 montre qu’à l’issue de l’acquisition des principes de la tâche, un entraînement régulier de 24 mois est nécessaire pour obtenir des performances stables et optimales. À ce terme, ils parviennent à reconnaître deux odeurs provenant de la même personne dans 85 % des cas, les 15 % d’absences d’association résultant majoritairement de la qualité du prélèvement ou de l’odeur elle-même et non d’un déficit de reconnaissance. Les chercheurs ont aussi mis en évidence que les bergers allemands étaient plus performants que les bergers belges malinois, sans doute parce qu’ils sont plus disciplinés et plus attentifs.
Au terme de leur formation initiale, les chiens peuvent donc participer aux procédures judiciaires et continuent à bénéficier, tout au long de leur vie, d’un entraînement continu entre les procédures. Entre 2003 et 2016, l’odorologie a été utilisée dans 522 cas à la SDPTS, et a permis de résoudre 162 affaires judiciaires.
* Establishing the volatile profile of pig carcasses as analogues for human decomposition during the early post mortem period, P. Armstrong, K.D. Nizio, K.A. Perrault, S.L. Forbes. Heliyon, février 2016
** Rigorous training of dogs leads to high accuracy in human scent matching-to-sample performance, Sophie Marchal, Olivier Bregeras, Didier Puaux, Rémi Gervais et Barbara Ferry. PLOS ONE, 10 février 2016. DOI:10.1371/journal.pone.0146963
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