Pas de bénéfice clinique évident

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Publié le 23/04/2018
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Une étude a été menée à Bondy sur près de 10 000 femmes enceintes prises en charge de 2012 à 2016. Il s’agit d’une population rassemblant un tiers de femmes d’origine européenne, un tiers d’origine nord-africaine, 20 % d’Afrique subsaharienne et 10 % d’Indiennes, Sri Lankaises et Pakistanaises. Elles avaient 30 ans d’âge moyen, étaient souvent en surpoids (IMC moyen : 25 kg/m2), et hypertendues pour 20 % d’entre elles. La plupart étaient multipares (2 % de nulliparité), 10 % fumeuses, et 40 % travaillaient.

Cette étude a comparé rétrospectivement le suivi et les résultats de grossesse de femmes passées par un dépistage précoce ou non du DG. Les femmes ont été identifiées à partir de leur dossier et réparties en deux groupes assez comparables, malgré l’absence de randomisation.

L’analyse des deux groupes montre qu’en absence de dépistage précoce, il y a 17 % de DG (DG tardifs). Quand il y a eu dépistage précoce, on est à 8,5 % de DG précoces et 12 % de DG tardifs. Soit au total 21 % de DG pour le groupe dépisté suivant les recommandations de 2010. S’y ajoute, dans les deux groupes, environ 1 % de DT2 méconnus. « Le dépistage précoce fait passer, dans cette population, le nombre de DG de 17 % à 21 % », résume le Pr Emmanuel Cosson, du CHU de Bondy, qui présentait ces résultats.

Davantage d’insulinothérapie

En parallèle, le nombre de femmes enceintes insulinotraitées a lui aussi augmenté. En l’absence de dépistage précoce, 6 % ont été traitées par insuline. Dans le groupe dépisté précocement, 9 % des femmes ont été mises sous insulinothérapie. « Significativement plus de femmes sont insulinotraitées quand on met en place un dépistage précoce (9 % vs 6 %, p < 0,0001), alors que, chez elles, la prise de poids est pourtant moindre (11 kg vs 14 kg, p = 0,0113). Or, malgré cette prise en charge, une moindre prise de poids, plus d’insulinothérapie, la morbidité materno-fœtale ne diffère pas dans les deux groupes », constate le Pr Cosson. Le critère primaire retenu, associant prééclampsie, dystocie des épaules et macrosomie, est à 11,6 % pour le groupe dépistage précoce et 12 % pour les autres (RR = 1,04 ; NS). Il n’y a pas plus de différence même après trois ajustements différents, y compris en utilisant les scores de propension et les facteurs de risque.

On n’observe pas plus de différence sur les critères secondaires pris isolément, ni en matière de prééclampsie ou de césarienne ni sur aucun des événements néonatals (prématurité, hospitalisation, détresse respiratoire…).

« Dans notre population, le dépistage précoce ciblé des femmes à risque recommandé depuis 2010 a largement augmenté le nombre de DG à prendre en charge. Mais il n’a pas été associé à un bénéfice clinique. Pourtant, bien plus de femmes ont été mises sous insuline et ont pris moins de poids. Pour rappel, ce sont des études épidémiologiques qui avaient mis en évidence un surrisque associé aux dysglycémies précoces. Mais aucune étude d’intervention n’a jamais démontré le bénéfice d’une prise en charge des femmes à DG précoces, dont certaines seront pourtant insulinotraitées. Et l’absence de bénéfice identifiable, notre étude n’apporte guère d’éléments probants », reconnaît le Pr Cosson.

P. S.

Source : Le Quotidien du médecin: 9659