LE QUOTIDIEN : Géronto-psychiatre et directeur d'un établissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD) en région PACA, vous êtes le fondateur du concept des thérapies non médicamenteuses personnalisées (TNmP). Lors du congrès de la Société de psychogériatrie de langue française à Marseille les 20 au 21 septembre, vous présentez les résultats positifs des TNmP sur l'ensemble du nycthémère. En quoi consiste cette approche ?
Dr THIERRY BAUTRANT : Dans 96 % des cas, les patients Alzheimer présentent des troubles du comportement : opposition, agitation, agressivité, activité motrice aberrante. Ce sont ces symptômes, et non le déclin cognitif, qui épuisent l'entourage. L'objectif commun des TNM est d'offrir une réponse bienveillante, et d'éviter les psychotropes et les anxiolytiques.
Différentes grandes approches existent : les techniques Montessori, la réminiscence thérapie, la réorientation thérapie, la validation thérapie ou encore la synchronisation. Les techniques de la neuropédiatre Montessori sont fondatrices. L'enseignement majeur est de ne jamais mettre en échec la personne et de tenir compte des capacités restantes de la personne.
Les TNmP s'inspirent de ces approches, l'idée étant vraiment de personnaliser la réponse. La démarche est de partir d'un trouble clinique, de poser un diagnostic et de proposer une solution adaptée et bienveillante à partir de l'histoire de la personne. Cette approche permet de réduire les prescriptions médicamenteuses jusqu'à 50 %. La souffrance des soignants, qui deviennent acteurs, est allégée.
Pouvez-vous nous donner un exemple d'intervention ?
Une aide-soignante nous a fait part de la forte opposition d'une résidente aux soins du soir. Cette dame, pied-noire d'Algérie, exprimait une forte anxiété vespérale à ce moment-là. En lui parlant de sa jeunesse africaine et en regardant des photos avec elle, la patiente s'est apaisée et a accepté le soin sans résistance.
C'est très différent de l'animation, dont la vocation est d'apporter du plaisir et du lien social. Ici, la démarche est médicale, il s'agit de traiter un trouble et d'être thérapeutique.
Pourquoi votre étude est-elle unique en son genre ? Quels sont les résultats obtenus ?
Il y a très peu d'études en psychogériatrie du fait de la subjectivité des soignants dans l'évaluation. Précédemment, l'étude A3 à Bordeaux avait montré que les TNmP diminuent le fardeau des aidants à domicile et retardent l'entrée en institution. Notre récente étude a été acceptée pour une publication dans le « JAMDA ». Testée dans plusieurs établissements en PACA, elle montre qu'elle diminue trois troubles majeurs du comportement sur l'ensemble du nycthémère, à savoir les cris, l'opposition et la déambulation.
Suite à ces résultats, une expérimentation vient d'être lancée la nuit dans 21 EHPAD avec le soutien de l'ARS à hauteur de 4,2 millions d'euros pour deux ans. Quelles sont les spécificités de nuit ?
Les patients sont souvent très angoissés du fait d'une absence de synchronisation sur le rythme jour/nuit. Les troubles du comportement peuvent être très dangereux la nuit, ce d'autant qu'il y a moins de personnel. Les Poly-activités et soins adaptés (PASA) de nuit associe à la fois une approche globale et une autre personnalisée.
La première est de renforcer la synchronisation en changeant l'environnement de façon répétée et pour tous : lumière tamisée, musique douce et habits des soignants. La seconde est d'apporter une TNmP s'il y a une agitation. Par exemple, le soignant se déplace avec un chariot snoezelen et met la musique que le résident aime, lui fait boire une tisane qu'il apprécie, lui montre des photos. Cela demande un travail en amont avec chaque résident. Cette expérimentation prévoit deux assistantes de soins en gérontologie par établissement.
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