L’association des cadres de l’industrie pharmaceutique (ACIP) a organisé sa soirée de rentrée sur un thème invitant à la prospective : « le monde de la santé tel qu’il change ». Objectif : imaginer les bouleversements à l’horizon 2030 des nouvelles technologies de santé.
Bernard Ourghanlian, directeur « technologies et sécurité » de Microsoft France, a procédé à un tour d’horizon des objets connectés au service de la santé. « Le patient devra de plus en plus participer lui-même à la façon dont sa santé sera surveillée et contrôlée », prévient-il. Les données biométriques seront mesurées de façon continue, avant d’être analysées par les patients eux-mêmes et par leurs soignants. Selon certaines hypothèses, ce contrôle permanent des données permettra de déceler à l’avance des anomalies susceptibles de dégénérer en affection, mais aussi de déclencher le cas échéant un traitement adapté. Des dispositifs « bardés de capteurs » arrivent déjà sur le marché, souligne Bernard Ourghanlian, capables de mesurer la fréquence cardiaque, la pression artérielle, la température de la peau et du corps, ou même l’heure de l’endormissement et la qualité du sommeil paradoxal. Des lentilles oculaires mesurent dans les larmes le taux de glycémie du porteur. Plus besoin de se piquer six à huit fois par jour...
Aide à la décision
Mais le diagnostic sera un immense défi. Pascal Sempé, un des hauts responsables d’IBM France, explique que cette entreprise développe depuis des années un système d’analyse très puissante appelé « Watson ». Intelligence artificielle mais parlant le langage des hommes, Watson serait capable, grâce à sa mémoire informatique colossale et à sa capacité d’analyse, de passer en revue toutes les données rassemblées autour d’un patient : symptômes, remarques du praticien, entrevues avec le patient, antécédents familiaux, et de les comparer à la littérature médicale. Watson serait même capable, en dialogue permanent avec le soignant, de poser le diagnostic le plus vraisemblable et d’envisager des options de traitement. Capable aussi d’apprendre et de s’améliorer seul, il équipe déjà plusieurs établissements de soins, dont la Cleveland Clinic aux États-Unis.
La logique à court terme des payeurs
La technologie va sans doute bouleverser le système de santé et ses acteurs, mais cela ne se fera pas sans résistance. Virginie Lefebvre-Dutilleul, responsable du secteur des sciences du vivant au sein du cabinet d’audit EY France, pose la question clé : « Qui a intérêt à ce que les choses changent » ? Même les patients, « qui préfèrent souvent le plaisir immédiat à une amélioration future » adoptent régulièrement des comportements défiant les meilleures technologies. Il existe aussi une certaine réticence à faire contrôler à distance ses constantes biologiques, explique Bernard Ourghanlian. Ne va-t-on pas aussi enregistrer ses excès, ses abus et ses faux pas ? Quant aux organismes payeurs, ils ont encore une logique budgétaire annuelle qui rend difficile la prise en compte d’investissements à très long terme.
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