LE QUOTIDIEN - Que pensez-vous des préconisations faites par les députés sur les jeux dangereux et notamment le jeu du foulard ?
Dr CHRISTOPHE RATHELOT - De manière générale, je me réjouis que le message préventif lancé par les associations de parents soit relayé au niveau parlementaire : c'est déjà une étape supplémentaire de franchie dans la prise de conscience collective de l'existence de cette problématique. Le jeu du foulard concerne des millions d'enfants et d’adolescents, car tous ceux qui y jouent n'en meurent pas : ce qui transparaît dans les médias, à travers les faits divers, n'est que la partie immergée du phénomène.
Quels sont les outils, selon vous, pour organiser une prévention face à ce phénomène que vous qualifiez de social ?
Le point le plus important, c'est d'avoir une connaissance des dangers de cette pratique. Fort de ce savoir, notre regard, qu'il soit parental ou professionnel, peut changer : cette vigilance permet d'ouvrir un dialogue plus pertinent. Avant de connaître cette problématique, je me souviens d’avoir rencontré, dans une consultation de pédopsychiatrie de liaison, un jeune de 12 ans que l'on avait retrouvé accroché à sa médaille sportive à la porte de sa chambre et qui disait que c'était un accident. Nous n'avions pas compris comment le fait d'escalader l'armoire pour se retrouver suspendu à une porte pouvait être un accident et nous avions plutôt conclu à un acte suicidaire. Je pense que si on avait ouvert, en double hypothèse, l'idée que c'était lié à une pratique comme celle du jeu du foulard, on aurait compris que l'accident dont il parlait était dû au fait qu'il ne s'était pas rendu compte que le jeu irait jusqu'à le mener en réanimation avec un trauma. On lui aurait alors proposé un accompagnement différent.
Quelle attitude les professionnels doivent-ils avoir face à cette problématique ?
Je pense que si c’est une pratique occasionnelle – ce qui est le plus fréquent – et qu’il suffit de prévenir le jeune pour qu’il prenne conscience du danger (en général, il ne tient pas à mourir), il n’y a peut-être pas besoin d’un professionnel. En revanche, si l’on se trouve face à quelqu’un qui a un problème de dépendance ou qui fait part d’un mal-être, il faut l’orienter vers des consultations spécialisées.
La plupart des cas, selon vous, ce sont des jeunes qui restent au niveau du jeu sans en voir les conséquences…
C’est bien là le problème. On a tendance à penser que cette pratique ne concerne que des jeunes gravement perturbés. Or nous sommes devant une pratique qui est beaucoup plus courante et qui concerne tout le monde. Certains parents rejettent l’idée que leurs enfants jouent au jeu du foulard parce qu’ils les savent non perturbés. C’est pour cette raison que le message passe mal : on ne pense pas que le problème peut toucher les enfants qui vont bien.
On a parfois l’impression que le jeu du foulard fait partie des jeux de l’école. Les victimes sont pourtant souvent retrouvées seules chez elle.
C’est une pratique qui, généralement, se découvre en groupe, le plus souvent à l’école mais ça peut être au cours d’un sport, en colonie ou même sur Internet. L’accident survient le plus fréquemment quand on répète l’expérience chez soi. C’est pour ça que ce n’est pas un problème de l’école même si cela fait partie des jeux dangereux qui s’apprennent à l’école.
Grâce aux associations de parents, cela fait quelques années maintenant que l’on parle du jeu du foulard. Y a-t-il eu une évolution par rapport à la manière de l’appréhender ?
Je crois qu'il y a des avancées. Il arrive aujourd'hui, qu'à l'occasion d'un décès brutal ou d'un accident de ce type, les forces de police ou les services de l'éducation nationale ou les services d'hospitalisation d'urgence ont l'idée d'ouvrir cette hypothèse-là de façon un peu plus systématique au lieu de conclure uniquement à une tentative de suicide. Cette attitude est porteuse d'espoir. Quelque chose est en train de changer. Mais je pense que c'est un problème qui fait encore peur.
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