Prophylaxie pré-exposition

Vers un nouvel outil de prévention du VIH?

Publié le 30/03/2015
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Crédit photo : PHANIE

Présentés à la conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI), les résultats de l’essai français IPERGAY testant une prophylaxie pré-exposition (PrEp) à la demande ont fait la preuve du concept (1). Ce nouvel outil pourrait donc s’ajouter aux autres stratégies de prévention chez les homosexuels à haut risque de contamination rétifs aux préservatifs. Reste aux autorités de santé à débattre des problématiques de prescription, suivi et coût dans la vraie vie. Sollicitées par les associations, elles devraient examiner dans les prochains mois l’accès éventuel sous recommandation temporaire d’utilisation à cette PrEp à la demande en France.

Sur les 6 000 nouveaux contaminés chaque année par le VIH en France, 43 % sont des hommes ayant des rapports avec des hommes (gays). Comment éviter ces contaminations ? « Le préservatif reste la pierre angulaire de la prévention. Mais la prophylaxie pré-exposition (PrEp) peut apporter un outil supplémentaire », selon le Pr Jean-Michel Molina, CHU Saint-Louis, APHP et université Paris-Diderot, Paris 7.

Pour le tester, l’ANRS a mis en place en 2012, en partenariat avec l’association AIDES, une étude randomisée en double aveugle versus placebo : IPERGAY. « Cette étude s’inscrit dans une offre globale de santé sexuelle – conseils individualisés, distribution de préservatifs et de gel, dépistage du VIH tous les 2 mois, dépistage et traitement des IST, vaccination hépatite B et A et mise à disposition du traitement postexposition. Chaque participant a bénéficié d’un accompagnateur issu de la communauté », souligne le Pr Molina.

« Par ailleurs, c’est le premier essai à tester une stratégie de PrEp à la demande, lors des rapports sexuels à risque », précise-t-il. Le schéma d’administration repose sur trois prises : une double dose (2 comprimés) dans les 2 à 24 heures avant le rapport à risque ; une dose 24 heures après ; une autre dose 48 heures après la première prise.

Des sujets jeunes, actifs et très exposés (70 % de rapports sans préservatifs)

Les participants étaient à haut risque de contamination (rapports anaux sans préservatifs avec 2 partenaires différents dans les 6 mois). Au total, 400 ont été randomisés et 88 % ont fini l’étude. Le suivi moyen est de 13 mois.

Ces hommes ont 35 ans d’âge moyen, un niveau d’éducation supérieur, 40 % ayant utilisé dans l’année des drogues psycho-actives et 20 % avaient une IST à l’inclusion, le plus souvent asymptomatique. Ils ont en moyenne 10 rapports sexuels/mois avec 8 partenaires différents dans les 2 derniers mois. Or 70 % d’entre eux n’utilisaient pas de préservatifs lors des rapports anaux à l’inclusion.

En cours d’essai, leurs habitudes ont peu évolué. L’utilisation de préservatifs est restée stable et 30 % ont eu une IST.

En moyenne, ils ont eu recours à 16 comprimés/mois. Soit moitié moins qu’en PrEp continue (30 capsules). Ce qui équivaut à couvrir un rapport par semaine, mais avec d’importantes variations.

Haut risque de contamination et réduction relative de plus de 80 % sous PrEp

Au terme des 13 mois de suivi, 16 sujets ont été contaminés : 14 dans le bras placebo, 2 dans le bras PrEp.

« Deux résultats majeurs ressortent de cette étude : le haut degré de contamination sous placebo et l’acceptabilité et efficacité de cette PrEp à la demande, résume le Pr Molina. Dans le bras placebo, il y a 6,6 % de contamination par an. Un taux bien supérieur à celui attendu. En revanche, ce taux est inférieur à 1 % dans le bras PrEp. Et les 2 seuls contaminés dans le bras PrEP l’ont été tardivement, après 16 et 20 mois de suivi, plusieurs semaines après avoir abandonné la PrEp ».

La PrEp à la demande dans cet essai a diminué le risque relatif d’infection de 86 % – IC 95 % : (40-99 %). Traiter 18 personnes à risque pendant un an permet d’éviter 1 contamination. Les données de tolérance sont par ailleurs rassurantes.

« La PrEp à la demande constitue donc une alternative intéressante à la PrEp continue », selon le Pr Molina. Aujourd’hui, l’essai IPERGAY se poursuit en ouvert avec une PrEp pour tous. Ce suivi est destiné à s’assurer du bénéfice et de la tolérance à long terme et à analyser les évolutions de comportement.

D’après la conférence de presse en direct de la CROI à Seattle

(1) JM Molina et al. On demand PrEP with oral TDF-FTC in MSM : Results of the ANRS IPERGAY trial. CROI 2105

Pascale Solère

Source : Bilan spécialiste