Les chercheurs du laboratoire TransVIHMI (INSERM-IRD-Université de Montpellier), et du site ANRS Cameroun, viennent de montrer dans le « Lancet HIV » qu'il est possible d'alléger le traitement de seconde ligne des patients infectés par des VIH mutants et résistants aux traitements. Cette stratégie consiste, après avoir supprimé la charge virale des patients ayant connu un premier échec, à leur proposer une bithérapie associant inhibiteur de protéase boosté et lamivudine. Les patients traités de cette manière au Cameroun, au Burkina Faso et au Sénégal ont un taux d'échec de seulement 3 % au bout d'un an de suivi.
Ces résultats s'inscrivent dans une série de travaux visant à réduire l'exposition des patients au ténofovir, même après l'échec d'un traitement de première ligne. Cette problématique concerne principalement les pays du sud où « nous assistons à une émergence de plus en plus prononcée des résistances aux traitements », explique le Pr Éric Delaporte, directeur du laboratoire TransVIHMI auquel appartient Laura Ciaffi, qui a mené l'essai ANRS MOBIDIP avec le Pr Sinata Koulla-Shiro du site ANRS Cameroun.
« Les résistances sont favorisées par le traitement suboptimal du VIH, quand la mesure de la charge virale n'est pas disponible et que l'observance est médiocre, ajoute le Pr Delaporte. Dans les pays du nord, le phénomène de résistance est marginal, alors qu'on a des taux de virus résistants à au moins un traitement de l'ordre de 15 % dans certains pays du sud », avertit-il.
La problématique du suivi
En matière de traitement de deuxième ligne, et une fois la charge virale supprimée par une trithérapie (deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse et un inhibiteur de protéase boosté), deux stratégies d'allégement étaient envisagées : une monothérapie d'inhibiteur de protéase boosté d'une part et une bithérapie associant la lamivudine à un inhibiteur de la protéase boosté d'autre part. La première solution a déjà été expérimentée, avec des résultats mitigés. « Une monothérapie n'est efficace que si un bon suivi de la charge viral est effectué, car le risque de remonté de la charge virale est élevé », prévient le Pr Delaporte.
L’ajout de la lamivudine pourrait sembler contre intuitif, tant la résistance à cette molécule est répandue chez les patients en échec de traitement de première ligne, mais son maintien dans une association répond à une stratégie simple : favoriser les virus résistant à la lamivudine, qui ont la réputation de moins bien se multiplier que les autres. En outre la lamivudine, comme les inhibiteurs de protéase boostés ont l'avantage d'être peu chers.
Un quart d'échecs en monothérapie
Dans l'essai ANRS MOBIDIP, 265 patients ont été suivis pendant une durée de 96 semaines. Ils présentaient, au début de l’étude, une charge virale inférieure à 200 copies/ml. Ces patients ont été répartis entre un groupe monothérapie et un groupe bithérapie puis suivis pendant 48 semaines. Au bout de cette année de suivi, les patients sous monothérapie ont repris une trithérapie, tandis que ceux sous bithérapies ont prolongé leur période de suivi jusqu’à 96 semaines. L'inhibiteur de protéase employé était soit du darunavir (800 mg) boosté au ritonavir (100 mg) ou une coformulation de lopinavir (200 mg) et de ritonavir (50 mg). Le lamividine était administré en une prise orale de 300 mg par jour.
Au bout d'un an de suivi, seulement 3 % des patients sous bithérapie étaient en situation d'échec thérapeutique caractérisé par une charge virale supérieure à 500 copies/mL, contre 24,8 % des patients sous monothérapie. L’essai ANRS MOBIDIP valide ainsi, pour la première fois, une stratégie d’allégement thérapeutique de deuxième ligne, moins coûteuse et mieux tolérée que les trithérapies chez des patients aux virus présentant de multiples mutations. L’utilisation de la lamivudine, déjà connue des patients en première ligne de traitement, permet d’épargner le passage à une nouvelle classe de molécules qui pourra, si besoin, leur être prescrite plus tard.
« Ces résultats vont être présentés devant les comités de l'OMS et de l'ONUSIDA chargés d'émettre des recommandations, explique le Pr Delaporte. Les textes actuels requièrent une trithérapie en seconde ligne, nous allons poser la question de savoir si ce régime peut être allégé une fois la charge virale rendue indétectable. »
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