Réorganisation territoriale, revalos, portfolio, recertification périodique : l'Ordre super-réformateur

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Publié le 26/01/2016
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Crédit photo : PHANIE

L'Ordre national des médecins a rendu public ce mardi matin un copieux document de synthèse sur les résultats de la grande consultation qu'il a organisée à la fin de 2015, assorti de recommandations pour « faire bouger les lignes ». Point d'orgue d'une année marquée par l'opposition frontale des médecins libéraux à la loi de santé, cette enquête avait pour vocation de prendre le pouls d'une profession sonnée, doutant de son avenir.

L'Ordre a interrogé méthodiquement les acteurs majeurs du système de santé (agences, institutionnels, Assurance-maladie, complémentaires, usagers, établissements, syndicats, Ordres). Et 35 000 médecins ont répondu à un questionnaire en ligne. Sur ces bases, l'institution propose dans un livre blanc une réforme articulée autour de trois axes : organisation territoriale, exercice professionnel et formation.

 

Le bassin de proximité santé (BPS) unique pour simplifier l'organisation territoriale

 

Premier constat : l'offre territoriale de santé est morcelée et déficiente, juge l'Ordre qui dénombre, selon les bassins de vie, quatre à six possibilités de prise en charge, sans transversalité.

Pour sortir de ce mille-feuilles administratif, le Livre blanc propose un territoire de santé unique, appelé bassin de proximité santé (BPS) pour regrouper les ressources humaines et les moyens. Cet échelon territorial unique rassemblerait, sur la base du volontariat, tous les acteurs du soin sur un territoire ne tenant pas compte des frontières administratives ou économiques : MSP, pôles de santé, cabinets libéraux isolés, et structures hospitalières de proximité.

Chaque BPS devrait faire émerger un projet global de santé, en simplifiant l'utilisation des ressources existantes. Un comité de pilotage et un comité d'effecteurs du BPS regrouperaient l'ensemble des acteurs pour déterminer les actions à mener, et assurer la coordination et l'efficience des soins.

Un portail d'information unique associant usagers, URPS, Ordre et ARS serait en charge d'identifier, au niveau de chaque BPS, les besoins de la population et les zones en voie de désertification.

 

Exercice : aide pour l'administratif, système social protecteur...

 

Le projet ambitionne en premier lieu de redonner du temps médical aux médecins qui en manquent cruellement en libérant la profession du joug de l'administratif.

L'Ordre propose ainsi d'allouer aux praticiens libéraux regroupés dans les nouveaux BPS une « aide administrative » (grâce à des financements « notamment conventionnels ») pour l'accueil, la gestion des rendez-vous, la gestion des entrées et sorties d'hôpital, les liens avec le médico-social ou l'Assurance-maladie, etc. Cette aide pourrait prendre des formes diverses : plates-formes, assistance, télé-secrétariat, secrétariat mutualisé...

Les praticiens exerçant en individuel, rattachés aux BPS, « reçoivent les aides nécessaires, du fait de leur conventionnement, à la réduction du temps administratif », peut-on lire aussi.

Pour les professionnels en établissement, le projet prévoit l'allégement des procédures administratives, des temps de réunion réduits et une meilleure association des praticiens à la gouvernance. L'Ordre appelle aussi de ses vœux une messagerie « sécurisée, unique et interopérable », ainsi qu'un accès pour tous à un très haut débit.

Dans un souci d'équité, l'Ordre réclame l'instauration d'une couverture sociale unique pour tous les médecins. « Tous les modes d'activité doivent se retrouver avec les mêmes modalités d'acquisition de droits en matière de couverture maladie, de maternité et de retraite », plaide l'institution.

Au cœur de l'attractivité du métier, la réévaluation de la rémunération des médecins n'est pas oubliée. S'il ne fixe pas de montant précis pour le tarif du C (ce n'est pas dans ses prérogatives), l'Ordre souligne la nécessaire revalorisation du paiement à l'acte pour les libéraux, « figé depuis de longues années ». Autre proposition : rémunérer spécifiquement la mission de santé publique des libéraux.  

Pour les médecins salariés (hospitaliers, scolaires, du travail...), il réclame une revalorisation en début de carrière. Pour tous les praticiens, l'Ordre suggère aussi que les acquis de l'expérience soient mieux pris en compte dans la rémunération.

Toujours au chapitre de l'exercice, le document recommande de simplifier les relations avec les organismes gestionnaires. Clin d'œil de l'actualité, l'Ordre réclame clairement la suppression du caractère obligatoire du tiers payant généralisé, alors que le Conseil constitutionnel vient justement de décider une censure partielle de ce système (pas d'obligation pour la part complémentaire).  

 

Fin du numerus clausus, portfolio et recertification 

 

Côté formation enfin, l'Ordre veut en finir avec un numerus clausus jugé « inefficace ». Il suggère de le régionaliser, en fonction des besoins des territoires par spécialité, et des capacités de formation.

Le Livre blanc préconise d'organiser un socle commun pour toutes les professions de santé (PACES élargie) lors de la première année d'études et d'organiser des stages interprofessionnels dès la deuxième année.

Un portfolio étudiant propre à chaque médecin serait ouvert dès la 2e année, complété jusqu'au DES, puis mis à jour et valable tout au long de sa vie professionnelle. Propriété de son auteur, il listerait résultats, stages, expériences et acquisitions de compétences (théoriques et pratiques).

Des épreuves classantes interrégionales (ECIR) remplaceraient les ECN, organisées en 5 grandes régions. Les places disponibles y seraient déterminées en fonction des besoins locaux. Les étudiants pourraient concourir sur plusieurs interrégions. La professionnalisation des études serait renforcée au cours du deuxième et troisième cycle. 

L'Ordre consacre un chapitre à la formation continue et propose un système de recertification tous les six ans. Il serait piloté... par l'Ordre lui-même au niveau organisationnel et administratif. Son contenu serait du ressort des collèges nationaux de spécialités. Cette recertification serait basée sur le DPC du praticien, l'analyse de son activité et celle de son portfolio.

L'Ordre entend soumettre ce projet de réforme au Premier ministre lors de la Grande Conférence de santé du 11 février.

 

Lire aussi « L'Ordre endosse les habits de la réforme » (28 janvier 2016)

Source : lequotidiendumedecin.fr