Chez l’adulte, les avantages du propofol sont clairement démontrés. « Chez l’enfant aussi le propofol a des avantages, rappelle le Pr Constant. Les études montrent que son utilisation réduit à la fois l’agitation au réveil, les nausées et les vomissements. Cet avantage mérite d’être considéré notamment pour la chirurgie ambulatoire, les actes sous sédation ou en ventilation spontanée. Dans le service, nous utilisons le propofol en continu à partir de l’âge de 5 ans. Chez le plus jeune, nous ne l’utilisons pas en continu en raison de risques d’accumulation, mais il est régulièrement employé comme agent d’induction ».
Une pharmacocinétique difficile à prédire
L’administration intraveineuse à objectif de concentration (AIVOC) de propofol automatise une administration en continu. Le principe est de cibler une concentration plasmatique ou, idéalement, au site d’effet, ce qui nécessite une modélisation de l’évolution des concentrations du propofol dans l’organisme (pharmacocinétique (P‹K)) idéalement couplée à une modélisation de l’effet (pharmacodynamique (PD))
La modélisation est particulièrement compliquée chez l’enfant car il existe une grande variabilité interindividuelle (liée aux différences de vitesses de croissance et de maturation). En cohérence avec la physiologie pédiatrique, la plupart des modèles PK pédiatriques utilisent des volumes de distribution et des clearances plus élevés que chez l’adulte, la covariable principale étant le poids. L’étude de McFarlan et al (1) a établi des schémas de perfusion continue de propofol pour maintenir une cible théorique de concentration plasmatique modélisée par l’intermédiaire du modèle de Kataria : les vitesses de perfusion retrouvées étaient augmentées par rapport à l’adulte (+150 %) mais, en contrepartie, les délais de réveil étaient largement prolongés. En Dehors du modèle de Kataria, le plus connu, il existe plusieurs modèles PK pédiatriques… Quid de leurs performances ? « Nous les avons testés (2) et avons pu constater leur manque de fiabilité » indique le Pr Constant.
Cibler l’effet
Compte tenu de la difficulté à prédire la pharmacocinétique de produits administrés par voie IV chez l’enfant, utiliser aujourd’hui le propofol en pédiatrie impose le recours à un paramètre clinique renseignant sur le niveau de l’effet cérébral du propofol (profondeur de la composante hypnotique de l’anesthésie). Plusieurs dispositifs de monitorage sont actuellement disponibles, tous basés sur un traitement automatisé de l’EEG frontal (Bispectral Index (BIS), E-Entropy ...). Ces dispositifs permettent d’adapter par rétrocontrôle soit la concentration cible si le propofol est administré en AIVOC, soit la vitesse de perfusion s’il est administré de manière moins moderne, à la main, et que l’on raisonne en débit massique. Pour une administration en AIVOC, « le modèle qui nous paraît le plus satisfaisant en pédiatrie est celui de Schnider et al. décrit chez l’adulte, en tenant compte du poids, de l’âge et de la masse maigre. Malgré sa faible pertinence pharmacocinétique, il semble que cela soit le plus pertinent actuellement sur le plan pharmacodynamique chez l’enfant prépubertaire et l’adulte jeune (3) » précise le Pr Constant.
La question de la légitimité de l’utilisation chez l’enfant d’un modèle construit chez l’adulte reste posée. "Dans tous les cas, on peut faire preuve d’un certain pragmatisme en utilisant un modèle ou une technique que l’on sait imparfaits sur le plan PK, mais dont on peut améliorer la performance clinique en utilisant un feed-back PK (EEG cortical automatisé). Sur le plan scientifique, la recherche d’un modèle plus sophistiqué, par exemple basé sur les constantes allométriques et nous permettant de nous passer du feedback reste un objectif", conclut le Pr Constant.
(1) Mc Farlan CS et al. Pædiatri Anæsth 1 999 ; 9 : 209-16
(2) Constant I et al Ann Fr Anesth Reanim 2 013 ; 32 : e37-e42
(3) Rigouzzo A. et al. Anesthesiology 2010 ;113 : 343-52
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