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Dossier

Fin de vie

Cinq ans après, ce que la loi Leonetti-Claeys a changé

Par Coline Garré - Publié le 05/02/2021
Cinq ans après, ce que la loi Leonetti-Claeys a changé

La pandémie a conduit près de 20 % des Français à réfléchir à leur volonté sur la fin de vie
Phanie

Le « Quotidien » publie, en partenariat avec le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, un sondage sur la loi Leonetti-Claeys. Les Français comptent davantage sur la personne de confiance que sur les directives anticipées pour faire connaître leurs volontés. Un constat de terrain en léger décalage avec l'esprit de la loi, comme c'est le cas pour le rôle confié au médecin.

« Un progrès majeur en faveur du respect des droits et de la dignité de la personne humaine jusqu’à sa mort » : ainsi le président François Hollande avait-il salué la loi Leonetti-Claeys, à l'occasion de sa promulgation le 2 février 2016. « Une avancée historique qui place le malade au cœur de la décision relative à sa fin de vie », avait commenté, pour sa part, la ministre de la Santé de l'époque Marisol Touraine.

Cinq ans après, six Français sur dix connaissent l'existence d'une loi sur la fin de vie (un chiffre stable depuis des années), et surtout, 79 % connaissent au moins l'un des trois dispositifs de la loi : la personne de confiance (72 %), le droit à une sédation profonde et continue jusqu'au décès (53 %), et les directives anticipées (48 %). C'est ce que révèle un sondage réalisé par BVA pour le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV) en partenariat avec le « Quotidien »*.

La personne de confiance plébiscitée

La personne de confiance apparaît comme l'outil le mieux connu et le plus utilisé par les Français pour témoigner de leurs volontés : plus de 80 % des personnes interrogées connaissent son rôle, et parmi elles, 73 % ont désigné une personne ou envisagent de le faire. « La personne de confiance est rentrée dans les mœurs, elle est institutionnalisée. Cela correspond aussi au fait que 57 % des Français considèrent que le meilleur moyen de transmettre ses souhaits est une discussion avec les proches, à l'oral, plutôt que de les coucher par écrit », commente Brahim Bouselmi, directeur du CNSPFV. Et comme l'ajoute Valérie Mesnage, neurologue (AP-HP) et chargée de mission au Centre : « La personne de confiance est aussi celle qui peut être le témoin de discussions entre le patient et les médecins, et re-expliciter leur parole si le premier a connu un épisode de sidération lors de l'entretienCe dispositif permet en outre d'éviter les tensions intrafamiliales ».

Les directives anticipées (DA), elles, ne sont connues que par 48 % des sondés même si le sondage met en évidence une augmentation significative, de cinq points, des Français les ayant rédigées : 18 % en 2021, voire 29 % chez les plus de 75 ans, contre 13 % en 2019. « Cela peut être lié à la crise du Covid-19 », analyse Brahim Bouselmi. La pandémie a en effet conduit près de 20 % des Français à réfléchir à leur volonté sur la fin de vie, une proportion qui s'élève à 27 % chez les plus de 75 ans, jusqu'à 29 % chez les personnes en mauvaise santé.

En revanche, près de la moitié des Français ne les a pas rédigées et n'envisage pas de le faire ; certains, par méconnaissance des formulaires existants et de leurs droits ou par manque de temps et d'intérêt. Mais aussi, pour la moitié d'entre eux, parce qu'ils ne souhaitent pas les rédiger. « Nous avons monté un groupe de travail pluridisciplinaire pour développer des outils didactiques, afin que quiconque le désire s'approprie ces directives, quels que soient son âge, sa facilité avec l'écrit, son état de santé, sa catégorie socio-professionnelle », commente le directeur du CNSPFV. Seulement 8 % des participants considèrent les DA comme le meilleur moyen de transmettre leurs volontés alors que la loi les met devant la personne de confiance.

Le rôle des médecins en question

Enfin, le sondage du CNSPFV interroge grandement sur le rôle du médecin. Alors que les autorités sanitaires le considèrent comme un relais clé sur ces questions, les Français ne l'identifient pas comme un interlocuteur privilégié. Ils sont 91 % à constater qu'ils n'ont pas reçu d'information de la part de leur médecin traitant sur les droits et dispositifs de la fin de vie. Seulement 6 % des personnes interrogées en ont parlé avec un spécialiste, et 3 % avec un autre soignant. Les attentes semblent à cet égard ambivalentes : 31 % des personnes qui n'ont pas reçu d'information le regrettent, mais 68 % n'en souhaitent pas forcément.

Tout en comprenant que la fin de vie se discute entre proches, « les médecins doivent s'approprier ces sujets et les remettre au cœur du processus de soin », considère Brahim Bouselmi. L'Ordre des médecins (Cnom) ne dit pas autre chose. « Oui, le médecin traitant a un rôle pour parler de la fin de vie et rechercher la volonté de la personne. Le parcours de prise en charge d'une vie va jusqu'à la fin », commente la Dr Anne-Marie Trarieux, présidente de la section éthique et déontologie du Cnom auprès du « Quotidien ».

Alors que se prépare un cinquième plan sur les soins palliatifs (le précédent datant de 2015-2018), le CNSPFV plaide pour une toujours plus grande connaissance de la culture palliative des professionnels de santé, bien au-delà des spécialistes. Une nécessité pour permettre d'accompagner les Français, y compris à domicile, et ceci dans tous les territoires. La crise du Covid pourrait indirectement y contribuer. « Nous avons tous été confrontés la fin de vie, quelles que soient nos spécialités », fait remarquer la Dr Mesnage.

*Étude réalisée par l'institut BVA auprès d'un échantillon représentatif de 902 Français âgés de 50 ans et plus, interrogés par téléphone du 7 au 22 janvier 2021

Coline Garré