Comment anticiper la prise en charge palliative, afin qu'elle prenne tout son sens et ne se résume pas à l'extrême fin de vie ? L'une des réponses réside dans l'hôpital de jour (HDJ), fait valoir le Dr Jean-Christophe Mino du département interdisciplinaire de soins de support à l'Institut Curie. « L'HDJ est un mode d'organisation récent et encore méconnu dans les soins palliatifs », explique-t-il en présentant une recherche qualitative sur l'efficacité d'une telle structure en oncologie.
À travers des entretiens menés dans deux HDJ à Paris et Nice pendant cinq mois, les chercheurs ont reconstitué près de 40 trajectoires de cancer. Il en ressort que l'HDJ intervient sur « l'état de santé en phase déclinante, ce qui n'est pas la même chose que l'accompagnement du mourir, souligne le Dr Mino. Les cancers sont intraitables, c'est-à-dire qu'il n'y a plus de traitement à proposer. On ne parle pas d'incurable. »
L'HDJ a comme spécificité de proposer un suivi régulier aux patients, avec des réévaluations ajustées au rythme de la trajectoire. Il intervient dans trois dimensions de la maladie : la gestion de la pathologie elle-même (travail clinique pour améliorer le confort du patient, maintenir sa qualité de vie, contrôler la douleur et la souffrance morale), la gestion du quotidien (articuler les intervenants nécessaires au maintien à domicile) et la conscience du malade de sa situation et de l'arrivée de la mort.
L'évaluation spécifique palliative en Ehpad
Le Dr Gaël Durel, vice-président de l'Association nationale des médecins coordonnateurs et du secteur médico-social (Mcoor), plaide pour sa part en faveur de la généralisation de l'évaluation gériatrique spécifiquement centrée sur le palliatif (EGSP) en Ehpad. « Seulement 2 % des résidents bénéficient de soins palliatifs : il faut les promouvoir ! », insiste-t-il.
L'EGSP, sur le modèle de l'évaluation à l'entrée en Ehpad, permet de repérer les personnes « qui risquent de mourir demain », précise le Dr Durel. Il s'agit de rechercher les sources d'inconfort et d'identifier les besoins des personnes. Certains états cliniques sont des indications évidentes : dénutrition sévère, cancer évolutif avec abstention thérapeutique, pneumopathies d'inhalation à répétition, démence très sévère au stade pauci-relationnel, dépression caractérisée non améliorée par un traitement adapté, plus de deux hospitalisations dans l’année pour la même pathologie…
L'équipe doit aussi identifier les risques liés aux pathologies (douleurs, anxiété, détresse respiratoire, hémorragies, escarres, encombrement trachéal…) et recenser les ressources humaines et matérielles disponibles. L'orchestration des soins doit être précisée à l'issue de réunions pluridisciplinaires. « Il faut savoir qui intervient et quand », détaille le Dr Durel. Et d'insister sur la singularisation de l'accompagnement. « Tous les résidents ne sont pas déments ; même lorsque les fonctions cognitives sont altérées, les personnes peuvent assentir aux soins », poursuit-il.
La généralisation de cette EGSP devra attendre une enquête nationale mais, d’ores et déjà, soignants et familles ont salué la démarche dans les établissements pilotes. « Les premiers sont soulagés d'avoir un temps relationnel sanctuarisé et d'avoir un avis médical 24 heures sur 24. Les secondes sont rassurées par un tel accompagnement », résume-t-il.
Vers une meilleure appropriation des directives anticipées
Enfin, le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV) travaille sur des outils permettant aux Français de mieux s'approprier les dispositifs des directives anticipées (DA) et de la personne de confiance. En 2021, 18 % des Français ont rédigé leurs DA, 30 % avaient l'intention de le faire, et plus de 60 % estiment que l'oral est la meilleure manière d'exprimer ses volontés. « Le formulaire officiel pour les DA nous semble trop médical et technique, avec un aspect QCM qui met en difficulté les patients, mais aussi les professionnels et travailleurs sociaux », analyse Stéphanie Pierre, chargée de mission au CNSPFV.
Grâce à un groupe pluridisciplinaire et en s'inspirant d'exemples étrangers, le centre élabore une carte des actes techniques médicaux, afin d'aider les citoyens, à travers du langage courant et des dessins, à prendre conscience de la réalité concrète d'un traitement (invasivité, impact sur la vie quotidienne, l'emploi du temps, les proches, les loisirs, le lieu de vie, amélioration attendue, etc.).
Le Centre prépare aussi un guide de conversation avec la personne de confiance (dont la parole n'est pas contraignante, à la différence des DA). « Désigner une personne de confiance ne signifie pas toujours que la discussion a bien eu lieu ; il faut la faciliter », remarque Stéphanie Pierre. En gardant à l'esprit que l'objectif n'est pas tant de cocher des cases que de réfléchir et de faire connaître ses volontés.
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