PERSONNE ne le nie : le financement de la dépendance, appelé aussi « cinquième risque », sera une réforme tout aussi difficile que cruciale. Ce chantier devrait être lancé par le gouvernement après la réforme des retraites mais les acteurs concernés sont déjà dans les starting-blocks. Au Sénat comme à l’Assemblée nationale, des parlementaires conduisent des travaux d’études. Valérie Rosso-Debord, députée UMP de la Meurthe-et-Moselle, a été chargée d’une mission d’information sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes qui rendra ses travaux cet l’été.
Les enjeux et les besoins sont colossaux. Le nombre de personnes âgées de plus de 75 ans atteignait les 5,6 millions en 2008 mais cette population doublera d’ici à 2050 pour approcher les 11 millions. La dépense publique consacrée à la dépendance est estimée à 19 milliards d’euros par an, soit un point de PIB. À ce jour, c’est l’assurance-maladie (pour les soins) et les départements via l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) qui apportent l’essentiel du financement ; d’autres mesures ont été décidées au coup par coup comme la création de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), la fameuse journée de solidarité (en faudra-t-il une deuxième, une troisième ?) ou encore le plan grand âge. De l’avis général, il convient de changer de braquet avec des financements pérennes. Car la question du reste à charge est posée : une place médicalisée dans un établissement coûte environ 2 500 euros par mois quand la retraite moyenne mensuelle est de 1 250 euros… Moins de 20 % des personnes hébergées sont capables d’assumer les frais avec leurs propres ressources.
L’idée a donc germé de créer un « cinquième risque ». Mais comment le financer alors que la Sécurité sociale est exsangue et que les départements dénoncent de leur côté des transferts de charges croissants qui pèsent sur leurs budgets ? La solution passe-t-elle par de nouveaux prélèvements obligatoires (cotisations, impôts), la souscription de contrats d’assurance dépendance, le recours sur patrimoine, des systèmes mixtes public/privé ? À l’occasion des 4èmes rencontres parlementaires sur ce sujet, à Paris, des responsables politiques, syndicaux et des experts ont tenté d’y voir plus clair.
Financement large obligatoire.
Si quelques voix (minoritaires) en appellent essentiellement à la solidarité familiale entre générations, Danièle Karniewicz, présidente du conseil d’administration de la Caisse nationale de l’assurance-vieillesse (CNAV), juge que le défi de la dépendance commande un financement le plus large possible. « La solidarité familiale a des limites. La solution c’est un financement obligatoire mutualisé, sur une base très large, actifs et retraités, et tout au long de la vie, ce qui n’empêche pas des contrats complémentaires et individuels. »
Les confédérations de salariés se rejoignent pour réclamer une assurance dépendance fondée sur la solidarité et l’universalité. Yves Vérollet, secrétaire confédéral à la CFDT, défend le principe d’un financement « très majoritairement public » avec de « nouvelles ressources » supposant une remise à plat de la fiscalité. Il ne trouverait pas absurde d’ouvrir le débat sur le taux de CSG des retraités. Et avance également la piste d’une « taxe faible sur l’ensemble des donations et successions ». Françoise Vagner (Union confédérale des retraités CGT) appelle de ses vux la constitution d’un pôle de financement public (pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), une réforme du financement de la protection sociale qui mette à contribution les revenus financiers et une « taxe minime » sur l’ensemble des successions. Pas en reste, Jean-Marc Bilquez, chargé de la protection sociale à FO, estime que le socle du financement du risque dépendance passe par une cinquième branche de la Sécurité sociale dans le cadre d’un régime obligatoire et universel.
La tonalité est différente au MEDEF. Pour Véronique Cazals, directeur de la protection sociale, « la Sécurité sociale de 1945 ne répond pas au financement de besoins de 20 milliards d’euros par an ». Hostile au schéma d’une cinquième branche comme à toute augmentation des prélèvements obligatoires sur les entreprises, le MEDEF juge l’approche assurantielle incontournable. « Il existe de très nombreux contrats et produits diversifiés, il faut laisser le libre choix aux individus de se couvrir. » Pour Laurent Caussat, membre de la Direction de la Sécurité sociale (DSS, au ministère), la souscription de contrats privés dépendance avec des incitations fiscales proportionnées peut être une solution adéquate de même que la mobilisation de l’assurance-vie avec franchise d’impôt.
Aucune solution unique ne suffira. Jean-Paul Siret, président-directeur général du Noble Âge, un groupe de maisons de retraite et d’établissements de santé, insiste sur le fait que les coûts d’hébergement augmenteront dans les prochaines années à la faveur notamment des exigences des résidents. Or, résume-t-il, « il manque déjà environ 1 000 euros par mois soit 12 000 euros par an ». Dans ces conditions, il plaide pour le « recours sur patrimoine » et une assurance obligatoire dépendance.
Au gouvernement, on jure que rien n’est tranché. « Comme pour les retraites, explique Nora Berra, secrétaire d’État aux Aînés, il existe plusieurs scénarios, plusieurs solutions pour financer la dépendance dans le cadre de ressources publiques limitées. Nous n’avons aucun préjugé. » Reste à trouver l’alchimie entre la solidarité nationale, familiale et les mécanismes de couverture apportés par la prévoyance individuelle ou collective.
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