Alors que la crise liée au Covid-19 a fortement ébranlé les structures spécialisées douleur chronique (SDC) et qu'elle risque de susciter de nouvelles demandes, la Société française d'étude et de traitement de la douleur (SFETD) demande un 4e plan douleur, en amont de son 20e congrès, qui doit avoir lieu fin novembre.
Les structures douleurs secouées par le Covid
Les 243 structures douleur chronique (72 centres et 171 consultations) ont été très mobilisées lors de la crise du Covid, au printemps dernier. Selon une enquête de la SFETD, cet engagement s'est d'abord traduit par des changements de poste de personnel (pour près de 42 % d'entre eux, dont une grande majorité de volontaires).
Ces soignants des SDC « se sont retrouvés aux premières lignes de la lutte contre le Covid », analyse Pierrick Poisbeau, professeur en neurosciences à l'Université de Strasbourg. Ainsi 40 % d'entre eux ont participé aux nouveaux dispositifs Covid, aux secteurs Covid + de médecine (pour 30 %) ou aux lignes de garde (37 %) ou d'écoute des soignants (20 %). Mais de tels bouleversements laissent encore des traces, puisqu'à la rentrée, seulement 70 % des structures avaient leurs effectifs reconstitués. « On observe un déficit en infirmiers et en psychologues », commente le Pr Poisbeau.
Comme ailleurs, près de 30 % des consultations se sont maintenues en présentiel malgré le confinement, tandis que plus de 91 % des centres ont mis en place de la téléconsultation, le plus souvent avec succès. Mais encore une fois, les conséquences de ces changements se sont fait longtemps ressentir puisqu'à la fin de l'été, les délais de consultation avaient augmenté d'un mois en moyenne (de 3,5 mois avant la crise, à 4,3 après). Enfin, la majorité des répondants de l'enquête considère en outre que la crise a eu un impact majeur sur le vécu des patients.
Risques de douleurs chroniques liées au Covid-19
Le monde de la douleur s'attend d'ailleurs à une recrudescence des demandes de la patientèle. Du fait des conséquences sociales et psychologiques du confinement, qui a aussi pu provoquer des ruptures de traitement et ainsi aggraver l'état de patients souffrant déjà de douleurs chroniques. Mais « le Covid-19 pourrait aussi faire émerger des douleurs chroniques de novo » alerte la Pr Nadine Attal, neurologue à l'AP-HP.
« Nous n'avons pas encore beaucoup de données sur le risque de douleurs chroniques mais il semble impacter le système nerveux (comme le laissent penser des signes comme anosmie, agueusie ou céphalées) et l'on peut s'attendre à des douleurs neuropathiques chroniques », considère la Pr Attal. « Des syndromes douloureux fibromyalgiques ont été décrits après des coronavirus. Et déjà des syndromes de fatigue chronique ont été observés après le Covid, avec des troubles attentionnels et des douleurs diffuses », poursuit-elle.
L'enjeu de la douleur chronique
La neurologue alerte aussi sur les douleurs chroniques liées à un passage en réanimation. Douleurs musculaires, myopathies, traumatisme nerveux, neuropathies liées à des procédures traumatiques… La prévalence de douleurs après réanimation a été estimée entre 28 % et 77 %, rappelle-t-elle, ajoutant que des liaisons nerveuses périphériques liées à la position allongée prolongée ont été rapportées chez 14 % des patients Covid-19 après une réanimation.
Une étude de suivi de cohorte de patients post-réanimation devrait être lancée ces prochains jours pour quantifier de tel risque, a précisé la SFETD. Elle impliquera au moins les réanimations de Raymond Poincaré à Garches (AP-HP) et des Hospices civiles de Lyon et devrait durer au moins un an.
« Nous sommes à un tournant dans la prise en charge de la douleur en France, a conclu le Pr Frédéric Aubrun, anesthésiste réanimateur à Lyon et président de la SFETD. Il faut sanctuariser les structures douleur chronique, optimiser le parcours de soins du patient et faire reconnaître la douleur chronique comme une maladie ». Des objectifs qui doivent être portés par un 4e plan douleur, voire inscrits dans une loi, fait-il valoir.
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