Après les drames qui viennent de toucher l’émission Koh-Lanta, le décès d’un jeune participant quelques jours après son arrivée au Cambodge et le suicide du Dr Thierry Costa médecin de l’émission, le Dr Emmanuel Héau, le premier à avoir accompagné le tournage il y a 12 ans, témoigne.
Vous avez été le premier médecin à participer au tournage de Koh-Lanta en 2001, comment réagissez-vous face aux deux drames actuels ?
Pour le jeune candidat, c’est terrible de mourir au cours d’une émission qui est un divertissement. C’est maintenant à l’enquête judiciaire de faire la lumière sur les circonstances exactes du décès. Sur le suicide du médecin, il y a plus à dire : il faut avoir une forte personnalité pour résister à la rumeur avant même que la justice ait fait son travail.
Cela me rappelle l’affaire du Dr Didier Destal, psychiatre du Loft. Il avait dû affronter ses détracteurs, qui l’accusaient « d’être la caution médicale d’un programme dangereux pour l’équilibre psychique des candidats ». Des détracteurs que l’on trouvait dans le grand public mais aussi auprès de collègues. Pourtant son contrat de travail avait été validé par le Conseil national de l’Ordre et le ministère de la Santé. Certains sites Internet font de la surenchère et vendent du sensationnel ou relayent des rumeurs. Ils remettent en question en quelques instants la réputation, l’éthique, le travail, la famille d’un médecin. Je conseille vivement aux témoins inconnus de lever le voile et d’aller devant un tribunal, ou de solliciter le Conseil de l’Ordre des médecins.
Pourquoi et comment avez-vous eu l’occasion de participer à cette émission ?
D’abord parce que je suis diplômé de médecine tropicale et que j’ai exercé dans divers endroits hors de France la médecine tropicale, et que je connais aussi l’urgence. J’ai été sélectionné sur mes capacités, mes connaissances. C’était un travail intéressant, une expérience professionnelle nouvelle. J’étais curieux de voir comment travaille une équipe de tournage. Concernant les honoraires, deux mois de remplacement m’ont contraint à souscrire un emprunt en rentrant de ce tournage. Donc, ce n’est certainement pas l’appât du gain.
Aviez-vous les moyens d’exercer votre métier selon vos exigences ?
Bien entendu. Non seulement pendant le tournage, mais aussi en amont, lors de la sélection des candidats. L’émission est préparée trois mois avant, je les ai tous vus et j’ai examiné leurs dossiers. Lors de la sélection, j’ai dû exclure par le SAMU un homme qui, après 200 mètres de natation, était tachycarde. Certains essayent de dissimuler une infection. Comme on sait que l’on va gérer une situation à risque, l’examen est plus approfondi. Beaucoup de bilans sont faits avant le départ : biologique, cardiologique, rhumatologique etc…
Et sur place ?
Tous les candidats sont partis avec un traitement contre le paludisme. Tous dormaient sous des moustiquaires même si la caméra ne l’a jamais montré. J’ai personnellement préparé des potions hypercaloriques pour certains. Sur place, je les pesais régulièrement, leur prenais la tension artérielle et m’entretenais en « off » avec eux. Je faisais mon métier de médecin.
Quelles garanties aviez-vous avant de partir ?
La déclaration de cette activité au Conseil national de l’ordre, qui est obligatoire, et la signature de mon contrat. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un contrat de travail, qu’un médecin est embauché, comme sur les plateformes de Total ! On ne part pas pour 16 candidats mais pour être le médecin d’une équipe de 100 personnes.
De plus, j’ai également été en contact avec les assureurs pour les évacuations d’urgence si elles devaient se présenter, en lien permanent avec la France pour commander des médicaments, et avec mon service de maladies infectieuses d’origine, pour confronter les diagnostics, si besoin. Nous disposions de talkie-walkie pour que les concurrents soient en lien avec la production jour et nuit et en cas d’urgence.
De telles émissions ne pourraient pas exister sans médecin ?
Certainement, elles pourraient exister. Cependant, le médecin n’est pas là pour servir de caution, il est présent pour pratiquer son métier en toute indépendance.
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité
Troubles du neurodéveloppement : les outils diagnostiques à intégrer en pratique
Santé mentale des jeunes : du mieux pour le repérage mais de nouveaux facteurs de risque