Comprendre pourquoi les Européens doutent de la vaccination est le premier pas pour y remédier. Un groupe de recherche anglais se penche depuis 10 ans sur la question, et leurs travaux récents bouleversent les idées préconçues sur les raisons qui se cachent derrière les réticences du public.
L’université belge d’Antwerp, l’école d’hygiène et de médecine tropicale de Londres et le réseau Nesi pour l’éducation et le soutien à la vaccination ont organisé à la fin de la semaine dernière à Londres un symposium sur le thème de la confiance du public en la vaccination*. Heidi Larson, du Groupe stratégique consultatif d’experts (SAGE) sur la vaccination de l’OMS, y présentait les derniers résultats du Vaccine confidence group. Ce groupe de recherche a été monté il y a dix ans pour adopter une approche systématique pour comprendre et mesurer la perte de la confiance du public dans la vaccination. Selon elle, « il est difficile d’affirmer aujourd’hui qu’il y a eu une perte de confiance envers les vaccins en Europe. Ce qui est certain par contre, c’est que les gens ont de plus en plus de doutes, ce qui est le stade avant la perte de confiance ». La création du SAGE s’explique en partie par la nécessité de caractériser de façon globale et pays par pays, les réticences vis-à-vis des vaccins.
Des doutes différents d’un pays à l’autre
En 2010, le groupe de travail d’Heidi Larson a mis en place un programme de recherche automatisé des évocations des vaccins dans les journaux, les blogs et les médias sociaux. « Une grande partie de la communauté médicale pense que si les gens ne veulent pas se faire vacciner, c’est pour des raisons de sécurité, explique-t-elle, mais nous avons découvert que le manque de sécurité des vaccins n’est évoqué que dans 25 % des cas. On retrouve surtout des objections d’ordre éthique, philosophique, et beaucoup plus rarement religieuse. »
La situation en Europe est très hétérogène, et l’explication du doute des patients varie d’un pays à un autre et même d’un vaccin à un autre. En règle générale chaque pays a connu un « événement fondateur » qui a fait naître le doute dans la population. Dans le cas de la France, « la couverture vaccinale contre l’hépatite B y est la plus faible d’Europe, car elle n’a pas encore récupéré de l’épisode du retrait du vaccin Engerix B contre le VHB, effectué contre l’avis de l’OMS », explique Heidi Larson. « L’épidémie de grippe A H1N1 a aussi fait beaucoup de dommages en Europe. Les gens ne pensaient pas que l’on puisse mettre au point un nouveau vaccin qui soit sûr aussi rapidement. »
Défiance envers les autorités sanitaires
La vaccination souffre également d’une défiance plus large envers les messages délivrés par les gouvernements et les autorités sanitaires. L’affaire du sang contaminé en France, avec celle de la « vache folle » en Angleterre, a participé, selon les enquêtes menées par le Vaccine confidence group, à ce sentiment de défiance généralisé. « En Angleterre, l’épisode du lien supposé entre la vaccination ROR et le risque d’autisme n’a eu ce retentissement que parce que le terrain était préparé par le scandale de l’encéphalite bovine spongiforme », raconte Heidi Larson. Concernant les rumeurs et le rôle d’Internet dans la diffusion des idées anti-vaccin, l’anthropologue estime qu’Internet n’est seulement qu’une partie de l’explication : « Ces sentiments se seraient répandus quoi qu’il arrive, mais Internet a accéléré leur diffusion et la distance qu’ils parcourent. »
Écouter les questions des patients
En outre, Internet peut, comme les autres médias, être employé pour regagner le terrain perdu dans les cœurs et les esprits. Pour Heidi Larson, « il faudrait déjà que les gens sachent comment les virus sont fabriqués et mis à jour. Les opinions de certaines personnes ne changeront jamais, mais beaucoup d’autres se posent simplement des questions qui sont légitimes. La communauté médicale, ne devrait pas simplement essayer de faire passer un message, mais aussi écouter ce que les patients ont à dire. »
* Symposium on Public concfidence in vaccine&: Building trust, managing risk
Le taux de micro/nanoplastiques dans l’athérome carotidien est associé à la sévérité des symptômes
Dans la cholécystite, la chirurgie reste préférable chez les sujets âgés
Escmid 2025: de nouvelles options dans l’arsenal contre la gonorrhée et le Staphylococcus aureus
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé