LE CHEF DE L’ÉTAT a réalisé un tour de force. Il y a à peine quelques jours, l’Europe (et plus particulièrement l’Allemagne) se refusait à participer à une intervention militaire. Nicolas Sarkozy a alors décidé de poursuivre son travail de persuasion en direction des Américains et de l’ONU. Il a reçu personnellement Hillary Clinton à Paris. Alors que l’administration américaine se montrait plutôt sceptique sur la nécessité ou les chances d’une action militaire en Libye, il est clair que la secrétaire d’État a été suffisamment convaincue par ce que lui disait M. Sarkozy pour changer de position. Vendredi, l’Union africaine et la Ligue arabe étaient associées aux délibérations franco-britanniques, pendant que l’Allemagne restait isolée et que les dirigeants européens, notamment Catherine Ashton, ministre européenne des Affaires étrangères, très proche du point de vue d’Angela Merkel, faisaient tapisserie.
Saddam ou Khadafi.
M. Sarkozy a saisi une occasion politique, comme il sait le faire parfois, par intuition. Il a compris que la gauche française, non-interventionniste habituellement, approuverait une décision inspirée par le terrible pétrin dans lequel se trouvaient les insurgés libyens ; que la Ligue arabe, en général très hostile à l’expression de la force extérieure dans les conflits arabes, militait en faveur de la révolution libyenne ; et que ceux qui n’auraient pas le courage de voler au secours des insurgés risquaient de se retrouver dans le mauvais camp.
Barack Obama, qui n’a cessé de plaider en faveur de la démocratie dans le monde arabo-musulman, aura été particulièrement sensible à cet argument. Il aurait certes préféré que les Libyens fassent le travail, comme leurs homologues tunisiens et égyptiens. Le problème, avec Kadhafi, c’est qu’il n’a même pas le scrupule d’hésiter avant de tirer sur ses administrés. Qu’on l’admette ou non, le choix militaire qui vient d’être fait est destiné à se débarrasser de Kadhafi comme, naguère, George W. Bush voulait se débarrasser de Saddam Hussein. Les circonstances sont différentes, ne serait-ce que parce que la décision est entourée des garanties du droit international, mais le résultat sera identique.
Ce qui rend la tâche très malaisée, parce que Kadhafi est le dos au mur et qu’il se défendra avec la vigueur que confère la peur de mourir. Dans la prudence de Mmes Merkel et Ashton, il y a un peu de bon sens. La coalition qui attaquera la Libye essuiera fatalement des pertes et les opinions des pays concernés, déjà lasses de l’Irak et de l’Afghanistan, exigeront une opération chirugicale rapide pour éviter tout enlisement. On peut imaginer ce qui va se passer si des avions américains ou français sont abattus et si leurs pilotes sont faits prisonniers par les loyalistes libyens.
UN SUCCÈS DIPLOMATIQUE POUR SARKOZY
Pas le choix.
Malheureusement, les interventionnistes n’avaient pas le choix. Marine Le Pen estime que la décision de l’ONU tombe trop tard, que du temps a été perdu. Non, une offensive des forces de l’ONU peut inverser le cours de la bataille. Kadhafi a même pensé à son propre sort puisqu’il a hésité à attaquer Benghazi « pour es raisons humanitaires », en réalité parce qu’il a peur d’être pendu haut et court s’il se livre à de nouveaux massacres sans garantie de gagner la guerre civile. Mais le temps est compté. Vendredi, il ne restait que Benghazi et Tobrouk comme villes libres. Il fallait donner un coup d’arrêt au facile triomphe de Kadhafi. On s’interroge néanmoins sur les moyens, en hommes et en matériels, dont disposera la force internationale. On se demande si des frappes aériennes seront suffisantes et s’il ne va pas être nécessaire d’envahir la Libye pour en finir avec le régime. Auquel cas, la résistance de l’armée libyenne risque d’accroître les pertes de l’ONU. On voudrait être sûr que les phases successives de l’intervention sont prévues, que rien n’est fait au hasard, mais on a plutôt le sentiment que, dans l’urgence, il a été décidé de stopper les forces de Kadhafi, puis d’organiser la deuxième séquence de l’intervention. Alors, ceux qui applaudissent aujourd’hui à l’initiative de M. Sarkozy, commenceront à s’inquiéter de ses conséquences.
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