MOUBARAK N’EST PAS Ben Ali. C’est un autocrate, mais il n’a pas créé un clan mafieux autour de lui. Il est imperméable aux appels du peuple, mais, lorsqu’il a pris le pouvoir après l’assassinat de Sadate en 1981, il a protégé l’Égypte contre toutes les mésaventures auxquelles la démagogie de Nasser l’avait promise et que Sadate avait soigneusement et habilement évitées. Certes, pas plus qu’en Tunisie, les islamistes n’ont joué le moindre rôle dans le soulèvement égyptien. Toutefois, les Frères musulmans, dont s’inspire le Hamas palestinien, sont la force politique la mieux organisée. Elle est même créditée d’à peu près un quart des suffrages. Si le prix du pétrole flambe, si on s’inquiète des émeutes de Suez, c’est bien parce que le sort de l’Égypte concerne non seulement les gens qui y vivent, mais également le reste du monde.
La révolution égyptienne est aussi admirable que celle du peuple tunisien. Elle est pacifique. Elle vise presque uniquement le potentat qui n’a pas su apporter aux classes pauvre et moyenne le soulagement qu’elles méritaient. Il aura fallu beaucoup de temps à M. Moubarak pour comprendre qu’il ne peut se protéger ni par des artifices politiques ni par un désormais improbable bain de sang. Peut-être cherche-t-il à gagner du temps dans l’espoir de ne pas livrer l’Égypte au chaos et de lui donner une structure politique solide avant de partir. Ce calcul, s’il le fait, n’est pas répréhensible. Il se trouve seulement que, dans les situations révolutionnaires, les dispositifs les plus habiles sont balayés par la colère de la foule. M. Moubarak doit se rendre à l’évidence : il n’y a pas de choix intermédiaire entre la violence et l’exil.
NIER LE RISQUE ISLAMISTE, C’EST LE SOUS-ESTIMER OU LE SOUHAITER
Lyrisme et réalisme.
La crise égyptienne entraîne deux sortes de réactions : le lyrisme de ceux pour qui « l’héroïsme » des Égyptiens doit être célébré immédiatement sans que l’on se préoccupe des conséquences géopolitiques ; et le scepticisme de ceux qui, tout en louant les révoltés, tunisiens ou égyptiens, voudraient des assurances sur la nature des régimes qui vont être mis en place. Le retour en Tunisie de Rached Ghannouchi, chef d’Ennahda, le mouvement islamiste « soft » qui veut participer aux prochaines élections, a donné lieu à un rassemblement imposant de la foule à l’aéroport de Tunis, tandis que des Tunisiennes attachées à la laïcité, projetaient, mais sans oser le faire, d’aller l’accueillir en bikini pour lui rappeler qu’elles tenaient à leurs libertés. Les articles et tribunes d’experts et chercheurs convergent tous pour nous garantir que le danger islamiste n’existe pas car il n’est pas à l’origine des deux révolutions et que, en le mentionnant, nous sombrons tous dans la paranoïa. On s’étonne de ce que des personnes excipant de leur qualité scientifique aient la mémoire aussi courte, qu’elles nous présentent le modèle turc (qui a tourné le dos à la laïcité) comme celui qui va se répandre dans toute l’Afrique arabe et qu’elles réduisent les Frères musulmans à peu de choses. Nous serions maladifs si nous ne souvenions pas du 11 septembre, et des autres attentats en Europe et en Asie.
Ou bien faut-il comprendre que les mêmes chercheurs jugent utile, nécessaire peut-être, une dose d’intégrisme en terre d’islam ? Qu’elles ne sont pas opposées à un pouvoir qui se dresserait contre les États-Unis et l’Europe ? Qui mettrait un terme à trente de paix entre l’Égypte et Israël ? Qui donnerait forcément une légitimité au Hamas et donc à son programme, la destruction de l’État juif ? C’est, après tout, un point de vue comme un autre. Mais on n’est pas obligé d’y adhérer sous le prétexte que les Égyptiens doivent accomplir leur destin historique. D’autant que les révolutions sont imprévisibles et que, sans qu’il faille envisager la Terreur après la prise de la Bastille, rien, pour le moment, ne nous garantit que les Égyptiens vont obtenir les libertés qu’ils réclament. Et il ne faut pas être pessimiste pour considérer que, si la religion acquiert un pouvoir politique dans ce pays, le risque d’un nouveau totalitarisme ne peut pas être complètement écarté.
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