De Notre-Dame-des-Landes à la loi Travail

La dictature des minorités

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Publié le 22/09/2016
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La dictature des minorités

La dictature des minorités
Crédit photo : JEAN-SEBASTIEN EVRARD

De la même manière, les opposants à la loi Travail, principalement les syndicats CGT et FO, continuent à réclamer, manifestations à l'appui, son abrogation. Une disposition parfois critiquée mais jamais considérée comme le summum de l'arbitraire, à savoir l'adoption d'une loi au moyen de l'article 49-3 de la Constitution, s'est transformée, aux yeux de ces deux syndicats (et pas mal d'élus socialistes) en un une méthode monstrueuse qui aurait défiguré la démocratie. En réalité, le recours au 49-3 a été fréquent au cours des 57 années de Vè République et le fait que la gauche au pouvoir s'en serve prouve seulement une chose : le 49-3 est bien utile pour un gouvernement qui cherche à imposer son autorité. Son usage constitue une manière de rappeler aux députés de la majorité que, s'ils continuent à saper l'action de l'exécutif avec lequel ils sont censés coopérer, on peut aussi les renvoyer devant les électeurs. Le seul fait que, en plusieurs occasions, les frondeurs n'aient pas osé pousser plus loin l'épreuve de force ou n'aient pas réussi à rassembler assez de voix pour déposer une motion de censure, suffit à montrer qu'ils ont eu plus peur de perdre leur emploi qu'ils n'avaient envie d'abattre le pouvoir.

Les frondeurs sont d'ailleurs minoritaires, mais ils donnent à leurs griefs un écho énorme et laissent les observateurs de la scène politique imaginer des scénarios où ils passeraient des alliances contre nature qui leur permettraient de renverser le pouvoir en place, par exemple à la faveur des prochaines élections. Ils trouveraient un homme-lige, à choisir entre Mélenchon et Montebourg, entre Hamon et Duflot, et le sacreraient roi. Ce sont les mêmes qui se sont moqués de l'empathie qu'un Emmanuel Macron a inspirée à François Hollande jusqu'à ce qu'il le trahît. Mais au moins l'ex-ministre a-t-il eu le courage de partir et de tenter son aventure en solitaire. Eux, les frondeurs, voudraient que le parti socialiste se range à leurs idées. Voilà où se situe la dictature d'une minorité.

Le chantage de la violence

C'est aussi ce qui se passe avec le nouvel aéroport de Nantes. Je crois qu'il est plus sage de croire que le gouvernement ne prendra pas, avant les élections, le risque d'un affrontement avec des « zadistes » déterminés. La zone où l'aéroport doit être construit a été envahie par des « militants » de toutes sortes, prêts à en découdre avec la maréchaussée. Des décennies de procédures juridiques, des années de batailles entre manifestants et CRS, des centaines de documents jugeant que la construction de l'aéroport n'est pas nuisible à l'environnement, l'abondance indescriptible des recours a empêché le début des  travaux. D'ailleurs le chantage est clair : les « zadistes » ont déjà souligné que le gouvernement prendrait des risques s'il imposait sa volonté en les expulsant et qu'il y aurait forcément des morts. Un chantage, donc, mais qui s'explique aisément par leur volonté de déclencher une situation anarchique, avec la bénédiction des écologistes les plus farouches, par exemple Cécile Duflot. Quand une minorité estime qu'elle a raison contre tous les autres, c'est qu'elle est tentée de passer en force.

Je ne me prononcerai pas sur l'utilité et la nécessité du nouvel aéroport. Je constate qu'une minorité impose, par la violence, sa volonté à tous, ce qui est contraire à l'exercice de la démocratie. De la même manière, deux syndicats sont prêts à paralyser la France (sans compter les dégâts causés par les casseurs à chaque manifestation) pour obtenir gain de cause au sujet d'une loi dont on s'accorde à dire qu'elle ne changera pas grand-chose en matière d'emplois dès lors que son contenu a été réduit par les récriminations des uns et des autres. Qui est-ce qui commande en France ? Ce n'est pas le pouvoir, ce n'est pas l'opposition, ce sont des illuminés et des syndicalistes qui ne sont jamais traversés par le doute et sont prêts à nous dicter leur choix.

 

 

 

 

 

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9519