Le récent débat sur un potentiel prolongement du confinement pour les seniors, mais aussi l’annonce, le 19 avril, par le ministre de la Santé, Olivier Véran, d’un « droit de visite pour les familles » dans les EHPAD dans des conditions extrêmement limitées et notamment sans « contact physique », illustre bien les enjeux de la lutte contre le Covid-19, entre protection des plus âgés et fragiles, maintien des libertés et lutte contre l’isolement.
Des citoyens de seconde zone ?
Dans la suite du discours du président de la République, Emmanuel Macron, annonçant un déconfinement à partir du 11 mai, l’Académie de Médecine s’inquiétait d’un report de cette mesure pour les plus âgés qui en ferait des « citoyens de seconde zone ».
L’institution se souciait également d’un « amalgame entre personnes âgées, personnes en situation de handicap et personnes affectées par des maladies chroniques », alors que certains seniors sont en bonne santé et actifs. Nombre d’entre eux participent par exemple à la vie associative et, dans les premiers du confinement, des associations venant en aide aux plus démunis ont alerté sur la baisse soudaine de leurs effectifs, conséquence de la crainte des retraités d’être contaminés.
L’Académie alertait enfin sur le risque d’isolement des seniors : « vaut-il mieux prendre un risque contrôlé en respectant les gestes barrière pour vivre avec les autres, ou s’étioler dans une solitude sans espoir ? », interrogeait-elle.
La stratégie à appliquer à la protection des seniors dans la lutte contre le Covid-19 a ainsi été source de nombreux questionnements tout au long de la crise sanitaire actuelle. Dès les premiers jours du confinement, l’application de cette mesure dans les Ehpad a soulevé des questions éthiques.
Fin mars, le ministre de la Santé, Olivier Véran, demandait à ces établissements « de se préparer à aller vers un isolement individuel de chaque résident dans les chambres ». Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) avait alors rappelé le nécessaire souci de la relation humaine qui devait prévaloir.
Les risques de l'isolement
« L'environnement familial ou amical dont les résidents ne peuvent plus momentanément profiter est, pour nombre d’entre eux, le lien qui les rattache au monde extérieur et leur raison essentielle de vivre. Les en priver de manière trop brutale pourrait provoquer une sérieuse altération de leur état de santé de façon irrémédiable et même enlever à certains le désir de vivre », soulignait-il.
Le CCNE recommandait de limiter ces mesures dans le temps et de veiller à ce qu’elles soient proportionnées et adéquate aux situations individuelles, notamment à celle des résidents avec un trouble cognitif pour lesquels l’isolement brutal constituait un risque de décompensation psychique. Il préconisait de privilégier les secteurs séparés et d’autoriser les visites des proches.
La question de l’isolement s’est aussi posée pour les seniors hors Ehpad. Début avril, Olivier Véran lançait un plan de mobilisation nationale contre l'isolement, inspiré d’un rapport de l’ancien député Jérôme Guedj. Commandé fin mars, ce rapport devait « identifier les leviers pour combattre l’isolement des personnes fragiles – c’est-à-dire, nos aînés et les personnes en situation de handicap – pour le temps de crise mais aussi pour la période qui suivra ».
Il en découla le renforcement du numéro vert national d'écoute de la Croix-Rouge (09 70 28 30 00), dont les écoutants seront particulièrement sensibilisés au soutien des personnes âgées, fragiles et isolées. Les services des communes et des départements se sont vus confier la responsabilité de téléphoner aux plus âgés. Plusieurs outils ont été mis en place, dont le partage des fichiers utilisés en cas de canicule et l’appui sur les bénévoles qui se sont manifestés via la plateforme jeveuxaider.gouv.fr.
Reste qu’une des clés d’un déconfinement des seniors et de la lutte contre l’isolement demeure la disponibilité de tests de dépistage. Fin mars, l’Académie de Médecine appelait à la fourniture de masques et de tests pour les structures accueillant des personnes âgées dépendantes. « Le manque de moyens se fait ressentir avec une acuité particulière dans ces structures (...) où les personnes pâtissent d’un isolement accru », soulignait-elle, tout en plaidant en faveur de l’autorisation des visites « lorsque le glissement rapide de l'état de santé du résident survient suite à la rupture relationnelle, à la condition du strict respect des mesures barrières ».
Article précédent
En post-AVC, un objectif, la récupération
Ostéoporose, les recommandations évoluent
L’activité physique, c’est bon aussi pour la cognition
Vigilance accrue au Covid-19
En post-AVC, un objectif, la récupération
La difficile équation du confinement des seniors et du grand âge
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation