LES POUVOIRS publics vont-ils prendre le risque de déstabiliser l’équilibre du système transfusionnel français ? C’est ce que craint le Pr Axel Kahn dans une tribune postée sur son site de campagne des législatives (www.axelkahn2012.fr). L’Institut national de la transfusion sanguine (INTS), « vigie » sanitaire créée en 1994 par un arrêté interministériel en tant que Groupement d’intérêts publics (GIP), semble, en effet, menacé. Après le scandale du sang contaminé, la réorganisation du système transfusionnel français a consisté à séparer la collecte par l’Établissement français du sang (EFS) de l’évaluation et la veille sur la sécurité transfusionnelle assurée par l’INTS. L’INTS a trois types d’activités. Les activités de référence et de biologie spécialisée ont pour finalité de réduire les risques infectieux et immunologiques des transfusions sanguines, assurant ainsi une sécurité transfusionnelle « maximale et évolutive ». En amont, les activités de recherche apportent à l’activité transfusionnelle les connaissances de pointe, dont peuvent ainsi bénéficier les patients. Le pôle formation favorise les échanges et assure une mise à jour permanente des savoirs et savoir-faire de tous les acteurs de la transfusion.
Un désastre.
Depuis le 31 décembre 2011, le GIP de l’INTS est arrivé à expiration. À cette occasion et dans un contexte de restrictions budgétaires, certains (dont la Cour des comptes et l’Inspection générale des affaires sociales) ont eu l’idée de fusionner l’INTS avec l’EFS. « On ne peut pas être juge et partie », s’inquiète toutefois Patrick Vidal, un des responsables de la Société national de la Transfusion sanguine qui précise que le budget de l’INTS est de 15 millions d’euros environ (une dizaine de millions de la CNAMTS, le reste provenant de revenus propres). Alors que plusieurs agences de sécurité sanitaire ont été créées, « la transfusion sanguine serait le seul domaine à ne pas bénéficier d’une structure de veille indépendante », s’étonne de son côté le Pr Philippe Rouger, directeur général de l’INTS. « Ce serait un désastre », confirme Axel Kahn, ancien membre du Comité national d’éthique. « Le passé a démontré avec cruauté le risque de pratiques transfusionnelles reposant sur la seule logique du marché, les principes gestionnaires l’emportant sur ceux de la réflexion éthique et la meilleure sécurité ».
Il ne s’agit pas de figer les choses, se défend le Pr Kahn qui reconnaît la volonté ambitieuse de développement de l’EFS. « Les techniques de transformation du sang en toute une série de produits fractionnés et plus ou moins modifiés confèrent à l’EFS une position charnière dans la mise en œuvre d’un vrai "projet industriel" reposant sur le sang et ses dérivés. Les pressions sont de ce fait lourdes pour qu’évolue le principe de la gratuité des dons, voire qu’il y soit mis fin », explique le Pr Kahn. « De nombreuses sociétés privées sont impliquées dans cette industrie biotechnologique et pharmaceutique reposant sur le sang. Elles font bien entendu pression en faveur de l’évolution vers un marché du sang, de sa collecte à la vente de ses produits », analyse-t-il. Mais l’équilibre trouvé avec l’EFS et l’INTS ne doit pas être une « variable d’ajustement » et mérite un débat, souligne le Pr Kahn en suggérant, à l’image du Pr Bernard Debré, que l’INTS soit plutôt adossée à la future Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
En septembre dernier, lors d’une discussion parlementaire, Xavier Bertrand indiquait qu’il avait l’intention de prolonger le GIP INTS d’un an « de façon à bien approfondir la réflexion et ne pas prendre de décision hâtive sur un sujet sensible – non parce qu’il a marqué l’histoire, mais tout simplement parce qu’il s’agit du sang ». « Voilà ce que je vous propose, pour éviter d’aller trop vite en faisant directement le choix de l’ANSM dont la logique n’est pas établie à 100 %. Vous m’alertez sur le danger de l’autre solution (fusion de l’INTS avec l’EFS, N.D.L.R) et je vous entends également », avait répondu le ministre de la Santé au Pr Bernard Debré. Toutefois, depuis fin décembre, l’arrêté n’a toujours pas été publié et la Direction générale de la santé que nous avons contactée, reste silencieuse sur le sujet.
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