La sous-nutrition maternelle et infantile reste un problème majeur de santé publique dans les pays à revenus faible ou moyen, alerte une série d'articles publiés dans « The Lancet ». La crise du Covid-19 fragilisant les quelques progrès réalisés ces dernières années, les chercheurs internationaux appellent à intensifier les efforts pour prévenir les retards de croissance liés à la malnutrition, les carences en micronutriments et la mortalité infantile, en particulier lors des 1 000 premiers jours de la vie. Sans oublier que la malnutrition des enfants et des mères est l'un des facteurs de l'obésité et du surpoids aux âges adultes.
Depuis 2000, la prévalence des retards de croissance liée à la sous-nutrition est à la baisse chez les enfants de moins de 5 ans, mais à des rythmes et des niveaux très différents selon les régions, et surtout, les pays. Elle aurait ainsi globalement diminué de 32,5 à 22 % entre 2000 et 2017, mais beaucoup moins en Afrique (38 à 30 %). Il y aurait même une différence de près de 25 points entre les pays à très bas revenus, où les carences toucheraient 32 % des petits en 2015, et les pays à revenus moyens (18 %). En moyenne, la prévalence de l'émaciation serait passée de 10 % en 2005 à 7 % en 2017 (avec des écarts allant de 9,5 à 4,2 % selon les revenus des pays).
Cumul entre retards de croissance et émaciation
La situation est particulièrement critique dans les pays les plus pauvres où près de 5 % des enfants cumulent retards de croissance et émaciation, ce qui multiplie par 4,8 le risque de mortalité. Les chercheurs mettent aussi en évidence que l'incidence de ces deux problèmes est la plus forte au cours des six premiers mois de vie, alors que les 1 000 premiers jours de l'enfant, de la conception jusqu'à ses deux ans, sont cruciaux pour sa santé à plus long terme.
Les déficits en vitamine A sont toujours inquiétants en Asie du Sud (44 %) et en Afrique (48 %), et les carences en zinc touchent un enfant sur deux, dans les pays pour lesquels cette donnée existe. Note optimiste : les déficits en iode se sont fortement atténués.
Quant à la santé maternelle, le « Lancet » se félicite de la diminution de la prévalence de la sous-nutrition (IMC faible), sauf en Asie du Sud, notamment en Inde. Mais les prévalences d'anémie et de petite taille (entre 1,45 m et 1,55 m) restent problématiques, lit-on.
Diversifier les interventions, cibler les 1 000 premiers jours
« Malgré les quelques améliorations, notamment dans les pays à revenu moyen, les progrès restent trop lents quant aux retards de croissance et à l'émaciation des enfants », regrette le Pr Cesar Victora, auteur principal du premier article de la série (International Center for Equity in Health, Université fédérale de Pelotas, Brésil). Et de fait, les objectifs fixés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour 2025 d'une réduction de moitié des retards de croissance, ou pour 2030, dans le cadre des objectifs du développement durable, risquent de n'être pas atteints.
Par rapport aux interventions déjà en cours, les auteurs d'un deuxième article appellent à concentrer les actions dans la période des 1 000 premiers jours de l'enfant. L'accent doit notamment être mis sur la supplémentation anténatale de multiples nutriments (acide folique, fer, etc.), pour prévenir les complications de la grossesse et de la naissance et améliorer la santé maternelle. Le recours préventif à une petite quantité de supplémentation en nutriments basée sur les lipides s'est aussi révélé efficace pour réduire les conséquences de la malnutrition chez les enfants de 6 à 23 mois.
Le « Lancet » souligne l'importance de jouer sur tous les leviers d'action, au-delà des interventions strictement sanitaires, afin de toucher l'ensemble des publics concernés, notamment lorsqu'ils sont éloignés des systèmes de santé. Concrètement, des interventions directes (supplémentation vitaminique, conseils autour de l'allaitement), doivent être couplées à des interventions indirectes (planning familial, promotion de l'hygiène, politiques agricoles, lutte contre la pauvreté, etc.) pour agir sur tous les déterminants de la malnutrition. Par exemple, des conseils en nutrition ou du soutien psychosocial peuvent être prodigués à la fois par du personnel soignant, à domicile, et par des pairs, c’est-à-dire des groupes de mères, ainsi qu'à travers les médias communautaires ou la téléphonie mobile.
Une telle politique intersectorielle suppose néanmoins de savoir prioriser les objectifs, et donc, d'avoir des outils de surveillance et de recueil des données robustes. Et de savoir comment, de façon pragmatique, financer les urgences et allouer au mieux les ressources (d'autant plus rares avec la crise pandémique) vers les actions qui auront le plus d'efficacité. Autant de sujets qui devraient être au cœur des discussions du sommet « Nutrition for growth », qui se tiendra au Japon en décembre prochain.
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