LE CAS LE PLUS GRAVE est celui de Libye, pays créé de toutes pièces par la colonisation italienne et composée d’une Tripolitaine très proche de la Tunisie et d’une Cyrénaïque qui n’est que la banlieue éloignée du Caire. C’est un cas grave parce qu’y règne un dictateur issu des rangs de l’armée, qui a renversé la monarchie en 1969 et dont le pouvoir est incontesté depuis 41 ans. Le colonel Mouammar Kadhafi est l’archétype du potentat irrationnel, prêt à la pire des démagogies. Il a fait l’économie d’une gestion socio-économique en compensant l’incompétence tragique de son administration par les revenus du pétrole et en se lançant parfois dans des projets aussi grandioses qu’inutiles et coûteux. Il a été aussi une fervent adepte du terrorisme d’État et on lui doit la destruction en vol d’un avion de ligne français au-dessus de l’Afrique et d’un 747 de Pan American.
Une leçon.
Bombardé par des avions américains en 1986, sur ordre de Ronald Reagan et avec l’aide de Margaret Thatcher, M. Kadhafi a préféré garder le pouvoir en renonçant au terrorisme et à l’arme atomique. Ce qui a supprimé l’embargo sur ses exportations de pétrole et lui a permis de coopérer avec l’administration de George W. Bush. Il n’en est pas moins resté le criminel qui a pris en otage des infirmières bulgares et proposait jadis la conversion à l’islam de toute l’Europe. Quarante et un ans, ce n’est rien au regard de l’histoire, c’est beaucoup pour un peuple qui, malgré les largesses permises par le pactole pétrolier, ne supporte plus la stagnation économique et la privation de liberté.
Le colonel Kadhafi a réagi en envoyant contre les émeutiers ses propres partisans, proablement stipendiés. Méthode utilisée, mais en vain, par Ben Ali, puis par Moubarak. Si cette méthode a échoué en Tunisie et en Égypte, c’est parce que, dans les deux cas, l’armée a refusé de soutenir les contre-révolutionnaires. En Égypte, l’épisode sanglant des cavaliers venus bastonner les manifestants de la place Tahrir et des agents de Moubarak qui ont battu et mis au secret des journalistes étrangers n’a duré qu’un jour. Les militaires ont vite mis le holà à ces exactions. Pas en Libye où les émeutes se multiplient et prennent un tour sanglant, principalement à Benghazi. Or le bastion de Kadhafi est à Tripoli.
LES RÉGIMES AUX ABOIS ONT RÉINVENTÉ LA RÉPRESSION
De la même manière, le pouvoir algérien est parvenu à réprimer un soulèvement en gestation. Si Abdelaziz Bouteflika parvient à contenir la révolte, c’est probablement parce que le peuple algérien a gardé de la violence intégriste un souvenir tellement terrible qu’il craint d’avoir, avec le pouvoir, une explication longue et cruelle. À Bahrein, la situation est très différente : une minorité sunnite gouverne une majorité chiite et le conflit est plus ethnique que social. En Jordanie, la personne du roi Abdallah n’est pas contestée, mais au mécontentement social (le pays est très pauvre, avec des inégalités insupportables) s’ajoute la présence d’un fort courant islamiste.
La révolte est donc partout, mais elle plonge ses racines dans des terrains très différents, qui conduiront à des résultats également différents. À quoi s’ajoute une forte incertitude, selon que la répression, proportionnelle au cynisme et à la cruauté des régimes, étouffe ou non le soulèvement.
En revanche, le thème historique majeur de ce début d’année 2011, c’est que la révolution est possible dans le monde arabo-musulman, qu’elle est plutôt pacifique en dépit de heurts violents, et que ceux qui la font adoptent des comportements exemplaires. Non seulement des hommes et des femmes, souvent cultivés, ont eu le courage de se dresser contre un pouvoir qui, auparavant, ne tolérait pas la moindre irrévérence, mais ils ont inspiré des mouvements identiques dans le monde arabe et donnent à réfléchir aux Occidentaux eux-mêmes. On ne dira jamais assez que, contrairement à ce qu’affirment à l’unisson tous les démagogues de la terre, l’ennemi du peuple n’est pas à l’étranger mais au pouvoir. Cette donnée essentielle caractérise l’Iran où un régime obscurantiste, anachronique jusqu’au grotesque, pervers et menteur, capable de s’enfoncer dans l’ignominie jusqu’à prendre pour emblème la haine irano-iranienne, continue à torturer son peuple bien que les dirigeants actuels soient, à terme, condamnés.
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