Méthode Coué ou stratégie visionnaire ? Au lendemain d’une journée de manifestations qui a encore mobilisé une partie de la communauté hospitalière, et à l’heure où le Sénat entre le vif des sujets qui fâchent, le ministère de la Santé veut croire que la contestation médicale qui secoue depuis des semaines le projet de loi HPST est en train de s’essouffler et que l’orage est passé.
Il ne s’agit en rien de « minimiser » le malaise et même la colère qui s’exprime, précise-t-on dans l’entourage de Roselyne Bachelot, où la vigilance reste de mise (le cabinet multiplie les contacts avec son administration hospitalière pour prendre le pouls du terrain à Paris et en région). Mais, affirme-t-on, « le temps est plutôt à l’apaisement », sous l’effet notamment des concessions promises par le chef de l’État concernant la répartition des rôles à l’hôpital entre médecins et directeurs et la gouvernance des CHU . Une stratégie qui n’a que partiellement calmé la grogne hospitalière (Quotidien des 13 et 14 mai).
Le gouvernement constate que, malgré le soutien de certains syndicats de professionnels libéraux à la journée de mobilisation hospitalière d’hier, il n’existe pas de large front conflictuel ville/hôpital, qui aurait mis une majorité de blouses blanches dans la rue autour de mots d’ordre fédérateurs.
Surtout, analyse-t-on au ministère de la Santé, « la nature de la mobilisation a changé, la plupart des revendications sortent du champ du projet de loi ». Autrement dit, la fondre à l’hôpital, diffuse, ne porterait plus tant sur le contenu du texte actuellement examiné par la Haute Assemblée (la gouvernance des hôpitaux, la tutelle des ARS, les communautés hospitalières de territoire, les statuts…) que sur des mots d’ordre jugés plus habituelsconcernant la tarification à l’activité, l’ « asphyxie » de l’hôpital public, les réductions d’emploi à l’AP-HP, la demande d’États généraux de l’hôpital ou même la réforme du LMD (Licence-Master-Doctorat). Ce n’est certes pas rien mais « le mouvement a changé de nature, il est plus classique », décrypte-t-on au ministère. Faut-il comprendre qu’il est moins dangereux ?
Rassurer les médecins des cliniques.
L’opposition politique à la réforme Bachelot n’émeut pas davantage. Les sénateurs se sont emparés du projet de loi dans un climat houleux ? Les socialistes « ont fait un peu de chahut », commente-t-on au ministère. Les orateurs du PS étaient montés au front pour exiger la levée de la procédure d’urgence déclarée pour ce texte (une seule lecture pas assemblée). Une hypothèse exclue par l’Élysée. Au ministère en tout cas, on ironise sur l’absence de propositions alternatives à gauche. « On nous demande de lever l’urgence. Mais pour quoi faire ? Que proposent-ils ? »
Le gouvernement en tout cas a l’intention de garder la main sur le texte alors que, parmi ses soutiens, certains redoutent que la loi soit « dénaturée ». Après les modifications déjà intégrées, il déposera au moins une cinquantaine d’amendements dont la plupart concernent des sujets sensibles. Là encore, il s’agit de « tenir le cap » de la loi tout en recherchant des « points d’équilibre ».
Au chapitre des communautés hospitalières de territoire (CHT), le gouvernement entend rétablir la notion d’« établissement siège » qu’avait supprimé la commission des affaires sociales du Sénat.
S’agissant de la gouvernance des établissements, le gouvernement n’est pas convaincu par les nouveaux pouvoirs et compétences accordées au conseil de surveillance. Il entend donc revenir à la charge en préservant les « compétences stratégiques et le rôle de contrôle » du conseil de surveillance « et non de gestion ». Un autre amendement précise les conditions de nomination des chefs de pôle par le directeur, sur présentation d’une liste par le président de CME. En cas de désaccord persistant sur deux listes consécutives, le directeur gardera la main pour nommer les chefs de pole « de son choix ».
Testing : pas de majorité.
Dans les cliniques, le gouvernement va tenter de trouver un terrain d’entente après la polémique provoquée par les amendements « Préel » et « Bur » concernant la participation des médecins libéraux aux missions de service public assurées par les cliniques et notamment l’encadrement du secteur II. Exit, comme Roselyne Bachelot l’avait promis,le dispositif qui permettait de forcer un établissement à garantir une « proportion minimale d’actes facturés sans dépassements d’honoraires ». Exit également la référence incompréhensible à une durée d’activité pour des missions de service public (30 % du temps travaillé) au-delà de laquelle le praticien pouvait prétendre à une indemnité au moment de la révision de son contrat. Le gouvernement défendra un amendement de simplification prévoyant que les obligations issues des missions de service public (urgences, PDS…) attribuées à une clinique s’imposent également aux praticiens qui exercent en son sein. En clair, il appartiendra aux acteurs - cliniques et praticiens - de renégocier eux-mêmes le contenu de leurs engagements réciproques. « On les laisse se débrouiller », résume-t-on au ministère.
En ville enfin, le gouvernement pèse les risques politiques sur chaque sujet. Au grand dam du Collectif interassociatif sur la santé (usagers), Roselyne Bachelot ne devrait pas déposer d’amendement visant à rétablir la pratique du testing pour les refus de soins (supprimée par le Sénat en commission). Motif : il n’y aurait pas de majorité au Sénat pour adopter cette mesure qui fait hurler les médecins. Mais la gauche, elle, veut revenir sur ce terrain. Donc le débat aura lieu en séance… En revanche, pour lutter contre les déserts médicaux - et donner des gages aux élus locaux - la ministre de la Santé reste très attachée au principe du contrat santé solidarité destiné à faire participer les médecins des zones surdenses à la satisfaction des besoins des zones fragiles à proximité. En commission, le Sénat avait supprimé toute contrainte (taxe) pour les récalcitrants mais le gouvernement va revenir à la charge.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation